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qu’au maintien ou au rétablissement de la paix des esprits dans ses foyers. À ce double titre, nous devons rester reconnaissans à sa mémoire.

En dehors de ces actes solennels de son ministère, Léon III a été, dans la conduite quotidienne des affaires, un des papes les plus sensés qui aient occupé la chaire de Saint-Pierre. La lecture du dernier Livre Jaune nous en a apporté une preuve nouvelle, après tant d’autres. Le gouvernement de la République, s’il revient un jour à des idées plus modérées, regrettera peut-être de n’avoir pas profité de la bonne volonté de ce pape diplomate pour résoudre une bonne fois quelques-unes des difficultés au milieu desquelles il continue et continuera longtemps de se débattre. On aurait pu, par exemple, régler avec lui la question des congrégations religieuses, de manière à obtenir, sans secousses et sans violences, les résultats que le gouvernement avait le droit de poursuivre. Il y avait peut-être trop de congrégations, et elles avaient peut-être trop d’établissemens : le Pape se serait prêté, pour peu que le gouvernement de la République lui en eût manifesté le désir, à user de son autorité pour faire par la conciliation ce qui a été fait par la force. Sans doute on n’aurait pas fait exactement les mêmes choses, mais celles qu’on aurait faites auraient été plus opportunes et plus durables. Léon XIII était homme de négociations et de transactions. En refusant de le mettre à l’épreuve, nous avons perdu une occasion qui ne se présentera plus. Nul, en effet, ne peut prévoir quel sera et ce que sera son successeur ; mais il meurt lui-même au moment où sa disparition risque d’avoir pour nous les pires conséquences. Ceux qui vivent tout entiers dans l’heure présente, et ils sont nombreux, ne manqueront pas de dire à Rome que la politique de ces vingt-cinq dernières années a complètement échoué en ce qui nous concerne, et qu’il faut en adopter une nouvelle. On leur répondra, comme nous venons de le faire, que cette politique ne peut pas encore être définitivement jugée, et que tout jugement précipité a beaucoup de chances d’être erroné. Quelque fondée que soit cette observation, il y a lieu de craindre qu’elle ne soit pas bien comprise, ou qu’elle ne soit formellement rejetée. Le gouvernement de la République parait s’appliquer, depuis quelque temps, non seulement à combattre la religion elle-même, ce qui est déjà bien absurde et bien dangereux, mais à infliger gratuitement au Saint-Siège les offenses les plus douloureuses pour lui. Il semble, en vérité, que ce soit une gageure. Nous savons bien que les radicaux-socialistes se félicitent précisément de ce qui nous afflige ; leurs journaux nous le montrent