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l’est inévitablement celle-ci, à négliger un peu le reste du monde et à parler surtout des rapports de Léon XIII avec la France. Nous avons dit incidemment un mot de notre protectorat sur les catholiques d’Orient et d’Extrême-Orient, et nous devons y insister parce que Léon XIII a donné à ce sujet une des marques les plus certaines de sa bonne volonté à notre égard. Tous nos gouvernemens, républiques ou monarchies, ont également témoigné du prix qu’ils attachaient au maintien de ce protectorat : ils y voyaient avec raison un instrument d’influence pour la France, et ils se seraient regardés comme criminels s’ils l’avaient laissé briser entre leurs mains, aussi longtemps qu’ils pouvaient le défendre. Ceux mêmes qui, comme aujourd’hui, ont condamné et dissous à l’intérieur les congrégations religieuses ont continué de s’intéresser à elles à l’étranger et d’y protéger leurs œuvres, qui devenaient par-là des œuvres françaises. On dira que cette attitude manque de logique, et c’est bien possible ; mais la logique et la politique sont des choses très différentes, et ce n’est pas seulement à cette occasion, pour peu qu’on remonte dans notre histoire, qu’on trouvera le gouvernement français soutenant au dehors ce qu’il proscrivait au dedans : exemple, la conduite de Richelieu à l’égard des protestans. Mais nous ne discutons pas les faits, nous les constatons. Notre gouvernement donc, comme ses prédécesseurs, a voulu conserver le protectorat traditionnel de la France sur les catholiques orientaux. Il y a rencontré des difficultés que ses prédécesseurs avaient ignorées, et qui venaient surtout de la prétention nouvelle affichée par de grandes nations, nouvelles elles aussi, de protéger directement au-delà de leurs frontières tous leurs nationaux, catholiques ou non. Le Pape représente une puissance toute spirituelle, c’est entendu : il n’en est pas moins vrai que, par son autorité sur les congrégations orientales et sur la direction de leurs établissemens, il peut beaucoup pour maintenir collectivement les catholiques sous le protectorat de la France, ou pour les laisser passer individuellement sous un autre. Léon XIII a été l’objet de suggestions redoublées, et quelquefois d’une pression très forte, pour qu’il exerçât son action dans le second sens. Il n’y a pas toujours échappé complètement, pas plus que nous n’avons pu nous-mêmes, dans un monde aussi profondément renouvelé, conserver intactes toutes nos positions d’autrefois ; mais celles qui nous restent, Léon XIII nous a aidés à les garder : il s’y est employé avec prudence, comme il faisait toujours, avec fidélité, avec efficacité. Il a été vraiment un ami de la France, et ne s’est pas moins intéressé au maintien ou au développement de sa grandeur dans le monde