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un Européen, une fois le premier mouvement de curiosité satisfait, le sentiment qu’elles dégagent est un inexprimable ennui.

En échange, nous ne sommes nullement las de cette île où il y aurait encore tant de choses à visiter. Mais le temps a marché et le moment est venu de songer définitivement au retour. Le 15, nous nous rembarquons à Samarang. Nous franchissons le détroit de la Sonde, en passant à quelques encablures des restes du Krakatoa, ce volcan fameux, isolé dans les flots, dont l’explosion, il y a quelques années, est le plus formidable phénomène de ce genre survenu dans les temps modernes. Tout de suite nous trouvons les alizés, qui soufflent avec violence, et la grosse houle du Sud, qui nous emprisonne dans ses sombres montagnes couronnées d’écume, pour ne plus nous lâcher qu’aux Séchelles.


ILE DIEGO GARCIA

Dix jours de traversée sans une terre ou une voile en vue. Enfin ou signale un îlot très bas et très vert, entouré de récifs de corail où l’océan brise avec rage ; c’est l’île Garcia, un point perdu dans l’immensité des mers, par dix degrés de latitude Sud, entre l’Australie et Ceylan.

Les animalcules dont le travail lent et acharné constitue les bancs de coraux, se sont plu à exécuter ici une de leurs œuvres les plus curieuses. Cette île, qu’ils ont entièrement bâtie, affecte la forme d’une bague dans laquelle n’est creusée qu’une étroite ouverture. Elle enserre une baie immense, et elle est si mince par endroits que la grande houle du large la franchit aux jours de tempête pour venir troubler de ses flocons d’écume les eaux calmes qu’elle renferme. Un jour, des navigateurs de passage y plantèrent des cocotiers. Ils y prospérèrent de telle sorte qu’elle en est aujourd’hui couverte. Ces arbres sont exploités par une compagnie de l’île Maurice, qui entretient quelques agens et envoie, une ou deux fois l’an, un voilier pour recueillir l’huile.

La population se compose de trois ou quatre cents nègres et de cinq Européens. Quelle vie étrange mènent ces gens, séparés du reste du monde dont ils n’ont des nouvelles, — bien vieilles elles-mêmes, — que tous les six mois ! Et toujours la contemplation de leur îlot avec sa verdure monotone, et de l’océan