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que tous écrivaient, « depuis ceux qui sont la plume au bonnet de la société jusqu’à ceux qui sont les clous à ses souliers[1]. » Et cette Ecosse avait déjà trouvé ses interprètes : les Semple de Beltree, Hamilton de Gilbertfield, Allan Ramsay et Robert Fergusson. Depuis le commencement du siècle, elle prend conscience d’elle-même, car, si l’ère héroïque est close, si l’Ecosse historique dort ensevelie dans sa gloire, l’heure est venue pour ceux qui représentent son génie et dont les pensées, les paroles ou les chants créent au-dessus de la patrie de l’histoire une idéale patrie. Ainsi se transpose le sentiment national, avide maintenant de s’exprimer en des œuvres jaillies du fond de l’âme populaire.

Et l’énergie de cette âme tend à s’affranchir de la discipline qui l’écrase. Le puritanisme a étouffé toute joie de vivre, toute douceur et toute confiance. La vieille allégresse écossaise, la vivacité rude, la gaie bonhomie des Basses-Terres, l’élan sauvage des Highlanders, frémissent dans l’impatience d’une morne domination de clergymen et de marguilliers. Les sermons grondent comme un orage et versent la terreur sur les têtes courbées, au vent d’une folie de prédestination et de damnation ; les tribunaux ecclésiastiques (Kirk-sessions) enquêtent et fulminent, soupçonneux, tout-puissans, excommunicateurs. Ce ne sont plus qu’anathèmes, dans un silence de mort. Et pourtant, il faudrait vivre…

Qu’un homme vienne donc, capable de faire entendre des paroles de vie, toutes sonores de l’accent d’Ecosse, rythmées au battement du cœur national, et vibrantes de sa musique intérieure : il sera le bienvenu. Ce peuple a besoin qu’on lui chante le chant de sa propre vie. Il faut qu’un des siens se lève, dont la voix soit la voix de tous, plus haute et plus claire, riche seulement de sincérité et de sympathie. Dans la serre des Universités, aux rayons de la culture cosmopolite, fleurissent les fleurs de tous les climats, éclatantes et sans parfum ; c’est au creux du sillon que peut éclore la poésie de la race, embaumée et vivante.


Le 25 janvier 1759, Robert Burns naissait dans un cottage d’argile que son père avait bâti de ses mains. Il fut accueilli par l’ouragan d’hiver qui effondra un pan de mur et chassa du logis

  1. Burns, to Charles Sharpe, 22 avril 1791.