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général Gallieni a voulu rajeunir et perfectionner par la création de l’Ecole professionnelle de Tananarive[1]. »

Tel est le système d’enseignement primaire et supérieur que préconise le colonel Lyautey, et nous trouvons ses conseils excellons. Nous nous demandons seulement, non sans inquiétude, si les idées qui semblent actuellement prévaloir dans la métropole n’apporteront pas de sérieuses et regrettables entraves à sa réalisation.

Il est un autre genre d’enseignement qu’il est indispensable de répandre parmi les tribus malgaches, c’est celui de l’amour du travail, de la prévoyance et de l’épargne, et cette question est d’autant plus importante qu’elle est liée très directement à celle de l’impôt.

Sauf dans les classes élevées et chez les Hova, les tribus malgaches ignorent entièrement la prévoyance et l’épargne. N’ayant que fort peu de besoins, ils ne travaillent que pour se procurer ce qui est indispensable à leur existence, qui ne leur revient pas à plus de 0 fr. 60 par jour ; aussi, dès qu’ils ont quelques francs devant eux, ils cherchent une compagne, qu’ils trouvent toujours assez aisément, et se livrent à un doux farniente jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien dans la tirelire et qu’il leur soit indispensable de travailler, pour la remplir à nouveau. Or, l’impôt de capitation est de 20 francs par tête, à la côte Est et dans le Betsiléo. Il arrive couramment que les indigènes aient eu maintes fois devant eux l’argent nécessaire au paiement de l’impôt, mais ils l’ont toujours dépensé à mesure, et ils sont absolument bouleversés quand le contrôleur vient procéder au recouvrement. Pour se libérer, ils vendent hâtivement ou à perte des récoltes, du bétail, ou recourent à des usuriers, qui sont généralement des Hova, et qui leur prêtent à des taux monstrueux allant jusqu’à 100 et 150 pour 100. Le Hova joue à Madagascar le rôle que le Juif jouait et joue encore en Algérie.

L’impôt de capitation est abaissé dans les tribus nouvellement pacifiées ; il est indépendant de l’impôt sur les rizières, sur les maisons, sur les bœufs ; de celui des léproseries, du droit de patente et du droit de sortie sur le bétail. Or, il est certain que ces charges fiscales réunies sont lourdes et qu’il importe de mettre

  1. Publications du Comité de Madagascar, Madagascar au point de vue économique. Conférence faite à la Société de Géographie de Marseille le 9 février 1900, par M. A. Jully, architecte des bâtimens civils à Madagascar.