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Les Bara, les Tanala, les Andrabé étaient des adversaires courageux sans doute, puisqu’ils avaient infligé des pertes sérieuses aux reconnaissances dirigées d’un seul côté à la fois, mais ils se sont jugés perdus dès qu’ils ont cessé de n’avoir affaire qu’à l’attaque de front et qu’ils se sont vus simultanément menacés de front et de revers.

Une fois que la forêt fut pénétrée et que la plupart des chefs Tanala eurent fait leur soumission, la pacification du reste de la région, sauf pour les Andrabé, fut beaucoup plus facile et rapide, et en vingt mois la pacification générale était réalisée. Le colonel Lyautey est le premier à rendre hommage à ses utiles et vaillans collaborateurs : le commandant Lucciardi, qui commanda d’abord le cercle de Tulear et fut remplacé par le colonel Lavoisot, quand le commandant Lucciardi[1] fut nommé chef d’état-major du général Gallieni, — le commandant Blondlat, qui commande encore le cercle de Fort-Dauphin ; — les capitaines Lerouvillois et Mouveaux, qui dirigèrent les opérations de la zone forestière ; les administrateurs Bénévent, chef de la province de Farafangana, Besson et Lacaze, qui commandèrent successivement la province du Betsiléo.

Il fallut procéder alors au désarmement, qui est une opération toujours délicate et fort complexe, mais qui constitue la sanction efficace de la pacification d’un pays. « Il ne suffit pas de prescrire d’un trait de plume, à un commandant de secteur établi avec ses 250 fusils au milieu de 10 000 hommes encore armés, de procéder à leur désarmement, il faut que ceux-ci le veuillent bien[2]. Aussi, est-il indispensable de procéder avec beaucoup de prudence, infiniment de doigté, et de choisir le moment favorable. Et le colonel fut bien inspiré, car il entra en possession de 12 425 fusils et de plusieurs milliers de sagaies. Les fusils rendus furent immédiatement détruits et les sagaies transformées en « angady » (bêches malgaches), symbole caractéristique de l’évolution accomplie.

Est-ce à dire qu’il ne reste plus de fusils et de poudre aux

  1. Le commandant Lucciardi a été promu depuis lieutenant-colonel. Depuis que cet article a été écrit, nous avons eu la douleur d’apprendre sa mort. Cet officier si distingué et appelé à un brillant avenir a été brusquement enlevé, dans la brousse, au cours d’une mission qui lui avait été confiée. Le général Gallieni perd en lui un de ses plus habiles et des plus énergiques collaborateurs et la mort de ce vaillant soldat laisse d’unanimes regrets chez tous les coloniaux.
  2. Colonel Lyautey, Dans le Sud de Madagascar. II. Désarmement, p. 208.