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l’autre moitié protestans ; elles étaient ainsi préparées à toutes les éventualités.

Le principe d’égalité entre les citoyens, qui constitue un des trois termes de notre devise républicaine, n’existe pas dans les diverses peuplades de Madagascar, où règne un véritable esprit de caste. Dans l’Imerina, il y a une aristocratie divisée en une foule de classes de nobles, tous plus ou moins parens ou alliés des souverains ayant régné sur l’île, très jaloux de leur haute naissance, ne s’abaissant jamais à des mésalliances, et appelés « Andriana. » Puis viennent les bourgeois et les marchands (les Hova), puis enfin les anciens esclaves (les « Borjanes »), les Mainty et les Hovavaovao (prononcer Houvovo), affranchis depuis l’abolition de l’esclavage. Quant aux autres groupemens, les uns ont des organisations féodales, les autres obéissent traditionnellement à un chef unique, soit héréditaire, soit élu.


II

Pour pacifier une région composée d’élémens aussi disparates, le colonel Lyautey a appliqué la méthode du général Gallieni.

Cette méthode exclut autant que possible la « colonne » proprement dite, par laquelle on poursuit les rebelles jusqu’à leur soumission ou leur extermination, en y substituant le système d’occupation progressive et qui peut se formuler ainsi : « L’occupation militaire consiste moins en opérations militaires qu’en une organisation qui marche[1]. »

Elle repose sur trois organes essentiels : le territoire, le cercle, le secteur ; sur la nécessité d’une politique indigène, d’une politique des races, qu’on a définie : « Une politique qui reconnaît des différences de races, de génie, d’aspirations et de besoins entre les habitans indigènes d’une possession et leurs maîtres européens, et qui conclut de ces différences à la nécessité de différences dans les institutions[2]. »

Cette méthode que le général Gallieni a mise en pratique à Madagascar, et dont il a lui-même donné la théorie dans son rapport d’ensemble sur la pacification, l’organisation et la colonisation de la Grande-Ile, est incontestablement un des faits

  1. Colonel Lyautey, Du rôle colonial de l’armée. Voyez la Revue du 15 janv. 1900.
  2. Chailley-Bert, Dix ans de politique coloniale, chap. IV, p. 45.