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générale et concertée. Replacée, — ainsi que nous venons d’essayer de le faire, — parmi les circonstances d’ordre religieux et politique où elle se produisit, la fondation de la Compagnie du Saint-Sacrement ne nous apparaît point comme elle risque d’apparaître si, d’une part, on la considère isolément, et si, en même temps, on s’imagine que le catholicisme avait, d’ores et déjà, reconquis sa situation triomphante d’avant la Réforme. On ne voit pas en elle une superfétation débordante et gratuitement agressive, un excès conquérant du « zèle » des catholiques militans d’alors, mais bien le complément nécessaire, logique et opportun de ce mouvement de contre-réformation catholique, conduit avec si peu de coordination et de suite, ou plutôt abandonné à lui-même et à la grâce de Dieu. On s’étonne moins de ces grands désirs, de cette audace à toucher à tout, que professèrent, dès le début, M. De Ventadour et ses amis, et qui, sans ce regard sur les choses ambiantes, semblent quelque peu puérils en leur voracité. Si, à leur activité, les confrères ne prescrivent, comme le répète d’Argenson, « ni bornes, ni mesure, ni restrictions[1], » c’est que leur idée de derrière la tête, la raison d’être de leur groupement, n’est en somme rien moins que celle-ci, — de tâcher que cette contre-réformation tant souhaitée, tant proclamée, tant retardée, se fasse enfin[2].

Et c’est aussi pourquoi ils donnent à leur association cette constitution, d’une si originale nouveauté, que les Annales de Voyer d’Argenson nous montrent se perfectionnant avec les années. De ce projet hardi de faire aboutir la grande œuvre de restauration religieuse que soixante ans d’histoire n’avaient qu’ébauchée, résultent — outre ce secret dont j’ai déjà montré la nécessité et qui, à présent, s’entend encore mieux, j’imagine, — toutes les autres particularités que nous offrent ou les Statuts primitifs ou les Résolutions ultérieures de la singulière Compagnie.

Et d’abord son caractère résolument séculier.

Pour refaire le « siècle » selon l’idéal catholique, c’est dans le siècle même qu’il faut chercher des ouvriers. Et donc la

  1. Instructions rédigées par Du Plessis-Montbard, en 1660, dans le Mémoire de D’Argenson, édition Beauchet-Filleau, p. 193-197. Voir spécialement le n°16 : « La septième voie qui fait le fond des œuvres de la Compagnie. »
  2. Sur l’effet que l’activité de la Compagnie peut avoir eu « pour préparer un moment presque unique dans l’histoire du catholicisme français, » voyez une très bonne page de M. Allier (p. 125-126).