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les meilleurs d’entre les prélats (tel, à Bordeaux, François de Sourdis) fussent d’ordinaire les plus favorables à ces « corps de volontaires, » qui, avec une jeune ardeur, venaient réveiller la routine endormie des « vieux régimens et de la milice hiérarchique » ordinaire ; — si ceux même des prélats que distrayaient d’autres besognes (tel, à Lyon, Denys de Marquemont) savaient reconnaître, dans les religieux, des « coadjuteurs » ou des suppléans bienvenus, sur lesquels ils pouvaient se reposer en sécurité de la restauration, négligée par eux, de leur diocèse ; — il y avait aussi des évêques, il y en avait davantage, qui prenaient ombrage de ces collaborateurs hors cadres, indépendans, étrangers, et qui les accusaient de vouloir « soustraire le gouvernement des âmes à ceux qui, par leur office, en sont chargés et responsables[1]. »

De leur côté, les ordres monastiques faisaient souvent tout ce qu’il fallait pour justifier ces défiances. Je ne parle pas seulement de leurs prétentions à ne relever que du Pape, dont se devaient froisser les évêques même les moins gallicans, pour peu qu’ils fussent jaloux de leur autorité ou attachés à leur tâche pastorale et soucieux du bon ordre de leurs troupeaux On sait, de reste, combien ces prétentions des réguliers à l’autonomie étaient altières et opiniâtres. Il n’est guère de diocèse de France dont les archives n’offrent quelque relation tragi-comique des combats affrontés contre l’Ordinaire par des moines ou des nonnes qui refusent de laisser inspecter leur chapelle ; — de l’ouverture, manu militari, des portes d’un monastère par l’évêque réduit à l’assiéger ; — d’un procès soutenu en Parlement à grand renfort d’injures et d’anathèmes réciproques, touchant une immunité violée ou une élection contestée[2]. Il y avait plus encore, à l’époque précise où nous sommes. Il y avait, depuis 1625, cette lutte des religieux d’Angleterre (et, spécialement, des Jésuites) contre l’évêque délégué par le Pape en ce pays et contre le clergé séculier des communautés catholiques. À ce débat, porté par les deux partis devant la Sorbonne, les évêques de France s’étaient spontanément mêlés, et non sans

  1. Expressions de J. -B. Camus, évêque de Belley, le Voyageur inconnu (1630), p. 224, 233, 256, 275, 281 ss. ; le Directeur spirituel désintéressé (1631), p. 87, 88, 91, 93, 358, 401, ss.
  2. Voyez, au hasard, Jullian, Histoire de Bordeaux ; Bertrand, Vie de Mgr de Béthune ; Carro, Histoire de Meaux ; L. De Raynal, Histoire du Berry, t. IV.