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l’Église de Dieu si peu « de gros bénéficiers qui vivent sobrement, qui aumônent, qui soient hospitaliers, » tant de pasteurs insuffisans et « sales. » Mettons qu’il exagère. Au moins est-il sûr que, vers 1625, sur les chefs des cent vingt-sept diocèses français, il y en avait bien près de dix à qui leurs mœurs ou leur réputation interdisaient toute idée de réformer autrui[1]. Dans le reste, les uns, — la majorité sans doute, — devenus riches propriétaires et hauts seigneurs de par leur prélature, avaient assez à faire de plaider contre leurs vassaux et redevanciers, et de dresser le terrier de leur évêché. Les autres cumulaient des charges d’Etat peu compatibles avec la résidence ou même avec le caractère sacré. Du Vair, évêque à Lisieux, était garde des sceaux, à la suite de la cour. MM. d’Ossat, de Joyeuse, Léonor d’Estampes, du Perron, de Beauvau, Henri de Sourdis, de la Valette, de Marquemont, de la Rochepozay, archevêques ou évêques de Rennes, de Narbonne, de Chartres, de Sens, de Nantes, de Bordeaux, de Toulouse, de Lyon, de Poitiers, passaient leur vie soit à la cour, soit dans les ambassades, soit même à la tête des armées ou des flottes. Enfin plusieurs d’entre eux, doctes et beaux esprits, fils de la Renaissance, séduits par les succès de Pierre Charron et de saint François de Sales, s’ingéniaient à « humaniser » la théologie, l’apologétique et la controverse, ou bien, à l’exemple de l’oratorien Baronius et des jésuites Bellarmin et Sirmond, s’enfonçaient dans l’érudition ecclésiastique[2] et faisaient de leur palais épiscopal une « librairie. » Dans cette diversité, où sont, vers 1025, les évêques qui « fassent leurs visites, aient soin de leurs troupeaux, ordonnent les prêtres en s’enquérant de leurs mœurs et examinant leur doctrine[3] ? » Ces rares prélats[4], que satisfaisait la

  1. MM. De Broc, Léonor d’Estampes, de la Rivière, de Lavardin, de Gondi, d’Eschaux, de Guise, etc. Touchant les mœurs et manières du cardinal de Guise, archevêque de Reims, de Léonor d’Estampes, évêque de Chartres, voyez un article d’Alfred Maury sur les Assemblées du Clergé, Revue des Deux Mondes, 1879, t. Ier. Sur l’état général du clergé, Faillon, Vie de M. Olier, t. II, p. 1 à 9 ; l’abbé Houssaye, le Cardinal de Bérulle et l’Oratoire, p. 2 à 12 ; Jullian, Histoire de Bordeaux, p. 432 ss., et autres histoires provinciales.
  2. Jacques et Jean du Perron, Gabriel de l’Aubespine, Henri Sponde, Nicolas Coeffeteau, Armand Jean du Plessis de Richelieu, sont les plus connus. Mais ils avaient beaucoup d’émulés : Arnauld de Pontac, Arnauld Sorbon, François de Harlay, La Rochepozay, Octave de Bellegarde, André Fremyot, Paul Boudot, René de Beaune, etc.
  3. Expressions du pamphlet ci-dessus indiqué.
  4. A Angers, Charles Miron et Guillaume Fouquet de la Varenne ; à Auch, Léonard de Trapes et Léonard de Vic ; à Avranches, François de Péricard (qui fut membre de la Compagnie du Saint-Sacrement) ; à Bordeaux, François IV d’Escoubleau de Sourdis ; à Narbonne, Louis de Vervins ; à Périgueux, François de la Béraudière ; à Poitiers. Godefroy de Saint-Belin ; à Rouen, François II de Harlay ; à Tours, Simon de Maillé-Brézé ; à Troyes. Roger de Beauffremont. A ceux que Gams signale, ajoutons : à Beauvais, Augustin Potier ; à Châlons-sur-Marne, Henri Clausse ; à Auxerre, François de Donadiou et Gilles de Souvré. — A titre d’exemple, voir sur l’administration réformatrice de François de Sourdis, l’abbé Allain, dans les Comptes-rendus du Congrès scientifique international des catholiques, Bruxelles, 1894.