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Printemps, à relever son dessin de quelques faibles teintes, bien « pâles » et bien froides », hélas ! — d’une pâleur glaciale. Quant à la composition, M. Streeter avoue que Botticelli est bien loin d’y avoir excellé « Lorsqu’il se trouve traiter une scène dramatique, souvent il encombre ses premiers plans, d’où résulte une impression de désordre et de confusion… Inférieure à celle de Ghirlandajo, sa composition est bien surpassée par celle de Benozzo Gozzoli, de Filippo Lippi, et même d’autres artistes de moindre importance. » M. Streeter nous déclare, après cela, que « Botticelli n’a peut-être jamais été égalé comme peintre du mouvement. » Mais, plus tard, quand il étudie une à une les œuvres du maître, il ne peut s’empêcher de nous laisser entendre que les mouvemens, chez lui, tout comme les couleurs, passent sans cesse d’un excès d’agitation à un excès de rigidité. Et, du reste, comment pourrait-il admirer autant qu’il le dit le génie de mouvement d’un maître dont il nous affirme qu’il est toujours « abstrait, forcé, compliqué, absolument dépourvu de simplicité ? »

Dessinateur incorrect, mauvais coloriste, inférieur aux plus médiocres de ses contemporains pour la composition, et, d’une façon générale, « absolument dépourvu de simplicité, » — le moins simple à coup sûr et le plus artificiel de tous les peintres italiens, — Botticelli a-t-il du moins le mérite d’avoir su exprimer l’âme de son époque ? « Entre les deux grands courans intellectuels de la Renaissance, nous dit M. Streeter, Botticelli reste irrésolu. Ne se livrant tout à fait à aucun des deux, nous sentons qu’il n’a saisi la pleine signification ni de l’un ni de l’autre. Jamais il n’atteint à une véritable compréhension de l’antique. La synthèse de la pensée classique et la sérénité de l’art classique lui échappent totalement. Et jamais, d’autre part, sauf dans une ou deux de ses dernières peintures, il ne s’élève à une expression réelle de la foi et du sentiment chrétiens. » Ici encore l’auteur anglais, pour justifier son héros, se voit forcé de recourir à d’étranges subtilités. Le « charme évasif » de l’art de Botticelli consisterait, suivant lui, dans sa « tendance à insister sur l’aspect négatif (plutôt que sur l’aspect positif) des deux idéals opposés dont il s’inspire. » Partout, dans son œuvre, dans ses Vénus comme dans ses Madones, « nous avons l’impression d’un manque, entraînant avec lui un sentiment d’ineffable mélancolie. » Ses Vénus comme ses Madones « sont de grands refus, les unes ayant manqué la terre, les autres le ciel. » Comprenne qui pourra, à moins que cela ne signifie simplement que les œuvres manquées évoquent en nous, avec « un