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de l’Italie dans l’art de ce peintre de la fin du XVe siècle, disciple de Savonarole, rival et imitateur de Léonard de Vinci !

Mais le plus curieux est de voir les argumens divers par lesquels s’efforcent de justifier cette gloire imprévue de Botticelli ceux de ses admirateurs qui ne se bornent pas à la tenir pour admise, et à discuter simplement le plus ou moins d’authenticité de telle ou telle peinture. C’est ainsi que M. Streeter, qui semble avoir examiné de très près l’œuvre du maître florentin, manifeste sans cesse un embarras des plus amusans lorsqu’il se trouve amené à vouloir nous définir le mérite propre de cette œuvre, et les véritables causes de sa renommée. Car on entend bien qu’il ne s’agit pas pour lui de nous expliquer seulement pourquoi Botticelli est un bon peintre, souvent fort intéressant malgré un talent inégal, et tout à fait digne de l’estime que professaient pour lui ses contemporains : il ne s’agit pas de nous montrer en quoi son œuvre diffère de celle des Ghirlandajo et des Cosimo Rosselli, par où elle les dépasse et par où elle leur reste inférieure : la situation présente de l’auteur du Printemps ne saurait plus comporter de telles comparaisons. Ce que M. Streeter se croit, en conscience, tenu de nous faire comprendre, c’est ce qui constitue la supériorité de Botticelli sur les plus grands maîtres de l’art italien, les Léonard et les Raphaël, puisque, de son aveu même, « il n’y a plus aujourd’hui en Italie aucun artiste qui inspire autant d’intérêt que Botticelli. » Et rien n’est plus curieux que son effort à s’acquitter de cette tâche, en vérité difficile.

Il reconnaît que Botticelli dessine assez mal. « Il est souvent inexact dans son dessin, avec une négligence singulière des proportions de ses figures. Celles-ci sont en général trop maigres pour leur hauteur ; leurs mains et leurs pieds sont presque toujours trop grands, et parfois la disproportion des mains les rend monstrueuses. » Le sens de la couleur est plus faible encore, chez lui ; son biographe est contraint d’admettre que, dans les plus célèbres de ses compositions (qui sont aussi, peut-être, les seules à n’avoir pas été entièrement repeintes), le coloris est « d’une pâleur et d’une froideur » fâcheuses. « D’autres fois, quand il fait usage de tons plus vifs, ceux-ci échouent à se fondre en un effet général agréable. Les contrastes sont trop stridens, avec une minutie de nuances qui fait songer à de la mosaïque… Dans l’ensemble, on peut dire de son coloris qu’il est surchargé. » Et, vraiment, il faudrait aimer Botticelli d’une affection bien aveugle pour ne pas être choqué du mauvais goût de sa couleur, toutes les fois qu’il ne se borne pas, comme dans sa Naissance de Vénus ou dans son