Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
POÉSIES


I


Avant que mon désir douloureux soit comblé
D’un amour qui l’apaise enfin ou dont je meure,
Entendrai-je souvent encor la mer du blé
Bruire aux alentours de ma chère demeure ?

Trop de fois, taciturne et sombre, et regardant
Mes chiens souples bondir à travers l’herbe haute,
J’ai dispersé ton feu stérile, ô cœur ardent,
A tous les vents du soir qui soufflent sur la côte !

J’ai trop de fois déjà sous un ciel attristé,
Quand les bois abdiquaient à mes pieds leur couronne,
Rêvé d’une tragique amante ou convoité
Le plaisir qu’un bonheur sans remords environne !

Les jours s’en vont, les mains, hélas ! vides de fleurs,
Me laissant seul avec une finie inassouvie
Qu’ils ont marquée au sceau des plus âpres douleurs.
Aurais-je donc en vain mis ma foi dans la vie ?

Je ne sais. Mais, sentant ma jeunesse finir,
Déçu dans mon plus tendre espoir par les années,
Je tremble en contemplant la trame où l’avenir
Enchevêtre les fils secrets des destinées.