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consistent surtout en des poses lentes, en des contorsions des reins, des bras, des poignets et des doigts. Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’on retrouve, représentées d’une manière vivante, toutes les attitudes figurées en bas-reliefs dans les antiques ruines du Cambodge. Cela semble prouver que ces danses sont très anciennes et qu’elles ont été conservées, jusqu’à nos jours, par une très fidèle tradition. Encore une vieille chose qui, d’ici peu, va disparaître ! Il est douteux que le successeur de Norodom puisse assumer la lourde charge d’un corps de ballet aussi complet. Peut-être sommes-nous des derniers à contempler ce spectacle qui délectait, il y a mille ans, les souverains inconnus du mystérieux empire khmer.

Les Cambodgiens sont, en effet, les descendans directs de ces peuples qui occupèrent, à une époque reculée, une situation prépondérante en Indo-Chine et atteignirent un degré de civilisation dont les ruines d’Angkor, de la côte d’Annam et du Laos sont les indéniables preuves. C’est une race aryenne n’ayant aucun rapport avec la race annamite. Tout en eux diffère : les lignes générales du corps, les mœurs, la coiffure et le costume. Hommes et femmes portent les cheveux courts, coupés en brosse. Les uns et les autres sont vêtus d’une pièce d’étoffe appelée « sampot, » qui se roule autour des hanches et qui, passée entre les jambes et fixée dans le dos, constitue ainsi une sorte de culotte bouffante. Les femmes y ajoutent une écharpe de couleur claire, glissée sous les bras et nouée entre les deux seins. Je dois dire que cela constitue une tenue de cérémonie que ces dames omettent souvent.

Beaucoup des danseuses de Norodom portaient des costumes plus compliqués, mais dont le « sampot » est toujours la base. Le roi fit même comparaître dans sa loge plusieurs des plus élégantes ballerines pour nous permettre de soupeser les lourds bijoux d’or massif et de palper les vêtemens. Malgré les charmes de cette petite fête, nous dûmes nous retirer avant la fin. Les représentations durent jusqu’au lever du jour, et il nous fallait, à cette heure, être déjà en route pour Angkor.


MARSAY.