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nous entraînerait trop loin. Quel que soit l’intérêt que présente la Sibérie, nous ne pouvons nous y éterniser. Le temps marche ; il court même et s’envole. Nous devons commencer à songer au retour et reprendre, tout en faisant l’école buissonnière, le chemin de la patrie.


CORÉE

Cinq jours d’une navigation constamment retardée par les brouillards, au milieu d’îles, dans des parages peu connus. Fréquemment nous sommes obligés de stopper en attendant que la brume se lève. On jette la petite ancre et, toutes les cinq minutes, la cloche sonne à toute volée pour avertir les voisins. Mais je crois bien que c’est inutile, que nous sommes vraiment seuls dans ces mers désertes, parmi ces îles arides, ces brouillards froids. Puis on repart, à petite vitesse, en sondant et avec, cette fois, l’accompagnement de la sirène qui pousse de longs hurlemens.

Enfin nous approchons. Le temps s’est mis au beau. Durant quatre ou cinq heures, nous louvoyons entre des îlots montagneux couverts d’une maigre végétation. Voici une grande baie aux eaux calmes, avec, dans le fond, une petite ville qui longe la mer et s’étend en amphithéâtre sur des collines vertes. C’est Chemulpo. La rade est à peu près déserte. Seuls, dans un coin, deux navires de guerre russes semblent être là pour attester les sentimens de plus en plus tendres du grand Empire pour son petit voisin. Quelques barques de pêche, quelques jonques de haute mer, des sampans que manœuvrent à la godille des gens habillés de blanc, complètent la population maritime et clairsemée de la baie.

Chemulpo est une ville exclusivement commerçante. Elle compte environ vingt mille habitans, dont plus de la moitié sont Japonais. Les principaux services, la douane, la visite médicale, etc., sont confiés à des Européens de nationalités diverses C’est un Français qui est chargé, à Séoul, de la direction et de l’organisation des postes. Son personnel est composé d’anciens élèves des missions catholiques où ils ont appris le français.

Les Coréens forment un peuple à part, distinct des Japonais et des Chinois, quoique présentant des rapports avec ces deux races. Ils sont grands et forts ; on les dit courageux et hardis chasseurs, ne craignant pas, avec des armes médiocres, d’attaquer les tigres, qui abondent dans l’intérieur du pays. Ce qu’ils