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L’abrogation de la clause exigeant l’assentiment du ministère australien pour faire sortir l’escadre auxiliaire des eaux australiennes, enlève à la volonté du peuple australien toute action sur les affaires navales, remet entièrement le contrôle de la défense navale de l’Australie entre les mains des lords de L’Amirauté… A la conférence, sir Wilfrid Laurier a refusé tout net d’adhérer à des propositions de défense du type impérialiste. C’est que, plus clairement que les autres premiers ministres, il a reconnu, lui, que le véritable motif de la convocation de la conférence, c’était d’obtenir des contributions des coloniaux, sans leur donner en retour aucune part d’autorité ni sur les forces navales, ni sur les forces militaires de l’Empire. »

Ainsi l’impérialisme militaire n’est, aux yeux d’une grande partie de l’opinion australienne, qu’une entreprise égoïste de la Grande-Bretagne pour extorquer aux colonies des fonds qu’elle dépenserait dans son seul intérêt, sans les consulter le moins du monde. Les affirmations de l’Age, sont corroborées par une lettre qu’écrit au Times lord Carrington, ancien gouverneur de la Nouvelle-Galles lorsque fut adopté l’arrangement de 1887 : jamais, dit le noble lord, cet arrangement n’eût été voté sans la clause restrictive qu’il comporte, et il ajoute que, selon lui, sir Wilfrid Laurier a touché la fibre sensible de l’opinion coloniale en se refusant à entrer dans aucune combinaison militaire.

Il ne sert de rien que le Times, stupéfait et navré de l’article de l’Age, explique doctement aux coloniaux l’absurdité de leurs conceptions de stratégie maritime. C’est un principe plus élevé qui est en jeu, puisque l’on fait entendre ce cri : « Pas de taxation sans représentation ! » au son duquel l’Angleterre a déjà perdu un premier empire colonial. Le Times tente bien de démontrer aux Australiens que leur droit ne sera pas plus violé que celui des contribuables de la métropole. « Le contribuable du Royaume-Uni, dit-il, ne peut pas plus contrôler en fait l’emploi des 15 shillings par tête qu’il verse pour la défense navale que le contribuable australien ne pourra contrôler l’emploi de son modeste et unique shilling. Les représentans de l’un et de l’autre votent le crédit et l’Amirauté en dispose… » mais le Times oublie une différence essentielle : c’est que le Parlement anglais peut renverser le ministre de la Marine, si la gestion de ce ministre lui paraît mauvaise, et que le Parlement australien ne le peut pas : l’Amirauté est responsable devant le premier, non