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et son ardeur impérialiste ne connaît pas d’obstacles. Un peu gêné à la conférence par la réserve de ses collègues, il s’épancha, au cours d’une vraie tournée qu’il entreprit à travers l’Angleterre, et où il gourmanda vertement la timidité des impérialistes anglais, presque inquiets de la hardiesse de cet enfant terrible, pour lequel l’établissement d’un Kriegsverein, d’un Zollverein, d’un Conseil fédéral n’était qu’un jeu. Certes, s’il n’avait tenu qu’à lui, la conférence ne se serait pas terminée sans avoir, au moins, jeté les bases d’une constitution fédérale complète. Mais son ardeur même n’était pas sans porter quelque préjudice à ses idées. On se demandait si M. Seddon exprimait bien les vues de ses compatriotes, ou s’il ne voyait pas surtout dans l’impérialisme un marchepied, qui lui permit de quitter, pour un plus grand théâtre, la scène lointaine et exiguë où il a joué son rôle jusqu’ici.

La chaleur de M. Seddon ne faisait que rendre plus sensible la froideur des représentans de l’Australie et du Canada. Le tableau des sujets proposés aux délibérations par les divers gouvernemens coloniaux et que publie le Livre Bleu relatif à la conférence est suggestif : sur les dix-sept motions qu’il contient, huit émanent du gouvernement de la Nouvelle-Zélande, et parmi elles figurent à peu près toutes celles qui visent des réformes vraiment organiques ; sept ont été indiquées par l’Australie, mais sont en général d’un ordre plus modeste et plus terre à terre, deux viennent du Cap et de Natal, aucune du Canada : la seule initiative que prirent ses représentans fut de déposer un vœu tendant à faire adopter dans tout l’Empire le système métrique, — médiocre hommage rendu à la métropole. Cette abstention, évidemment systématique, de la plus grande des colonies faisait prévoir dès le début que la conférence ne pourrait obtenir les résultats qu’on avait espérés.

M. Chamberlain qui, certes, avait attendu mieux, sentit bien que le terrain était peu favorable. « Le grand objet que nous avons en vue, dit-il, dans son discours d’ouverture, est de fortifier les liens qui nous unissent, et il n’est que trois voies par lesquelles nous puissions approcher de ce but : la première est celle de nos relations politiques ; la seconde serait l’institution d’une sorte d’union commerciale ; la troisième s’ouvrira par l’examen des questions que pose la défense de l’Empire. » Et il parle d’abord des relations politiques, mais se garde de faire