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leurs vastes territoires, encore à peine peuplés, pourraient tenter l’ambition, et auxquels leur arrogance et leur exclusivisme fourniraient maints prétextes de les attaquer. Mais elles sont bien forcées de s’avouer qu’il leur en coûterait très cher, si elles étaient indépendantes, pour se mettre à l’abri de toute agression, tandis qu’unies à la Grande-Bretagne, elles peuvent compter sur le secours de sa flotte et se dispenser de toute charge militaire.

Ainsi c’est la gratuité plus encore que la puissance de la protection britannique qu’apprécient les colonies ; c’est là ce qui en définitive maintient leurs liens avec la métropole ; c’est à leurs yeux le grand, même le seul avantage que leur condition actuelle présente sur l’indépendance ; c’est la seule compensation aux restrictions diverses qu’impose à leur pleine liberté, à leur entière autonomie, cette situation de colonies britanniques.

Car, il faut le reconnaître, si libérale qu’ait été la politique de l’Angleterre vis-à-vis de ses grandes dépendances, ces restrictions existent. Sans doute la métropole n’abuse pas du droit de veto qu’elle possède théoriquement sur les décisions des Parlemens coloniaux ; elle en use pourtant quelquefois, quand il leur arrive de voter des lois qui pourraient affecter des intérêts impériaux, léser des pays amis. C’est ce qu’elle a fait dernièrement, quand la Colombie britannique a voulu exclure de son territoire les Japonais au même titre que les Chinois. Dans un ordre d’idées analogue, le gouvernement anglais a réservé le droit du Conseil privé de la Reine, séant à Londres, à juger en dernier ressort certaines questions ; l’étendue de ces réserves a même donné lieu à de fort délicates négociations, quand le Parlement anglais a été appelé à ratifier la constitution de l’Australie fédérée. Pour rares qu’elles soient, en partie même parce qu’elles sont rares, ces interventions de la métropole soulèvent toujours d’aigres récriminations dans les colonies intéressées.

Même au point de vue des relations extérieures, les colonies jouissent de la plus grande liberté. Les traités de commerce signés par l’Angleterre ne s’appliquent à elles que sur leur demande expresse, et elles ont le droit, dont le Canada et Terre-Neuve ont usé vis-à-vis des Etats-Unis, d’en négocier de séparés. On leur laisse même cette latitude pour des conventions de délimitation, comme au sujet des frontières de l’Alaska. On les consulte avant de conclure, quand un traité doit les toucher. Malgré cela, les colonies se plaignent que leurs intérêts soient souvent