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La ténacité de la diplomatie romaine avait mis entre les mains des catholiques d’Allemagne, après beaucoup d’efforts, les armes strictement nécessaires pour défendre l’Eglise contre l’esprit d’entreprise de l’État ; elle ne pouvait plus rien elle-même ou presque plus rien, sous peine de paraître provocatrice à ceux qui sans cesse redoutaient le péril ultramontain. Ces armes, telles quelles, étaient encore fragiles ; les gouvernemens les pouvaient ébrécher, et les évêques les pouvaient laisser rouiller ; mais Rome, en commençant les négociations, n’avait espéré rien de plus ; et, dans l’état des esprits, c’était beaucoup, déjà, qu’on se fût adressé à elle pour reconstruire, comme des réalités solides et vivantes, les diverses sections de l’hypothétique Eglise d’Allemagne. Le désordre de cette Eglise avait permis au spectre d’une primatie allemande de prendre consistance ; on achevait de faire s’évanouir ce spectre en mettant un terme, même précaire, à ce désordre ; et, dans l’Allemagne du XIXe siècle, Rome recommençait de compter.

La collaboration entre la diplomatie romaine et les pouvoirs laïques marque la première étape de la renaissance catholique allemande ; la collaboration entre l’inspiration romaine et l’initiative même des catholiques allemands marquera la seconde étape. Mais, pour qu’évêques et fidèles, bénéficiaires de la timide victoire du Saint-Siège, eussent le goût, l’audace et la force de sanctionner cette victoire et de la compléter par leur activité pastorale, juridique, littéraire, politique, il fallait qu’autour d’eux l’horizon fût propice : il le fut, grâce au romantisme. La faveur imprévue dont recommença de jouir la pensée catholique dans les imaginations et dans les intelligences allemandes fut singulièrement secourable au succès de l’action catholique. Durant ces trente premières années du siècle, au cours desquelles Rome, sous l’œil impuissant de Wessenberg, avait pris contact avec le catholicisme allemand ressuscité, un autre contact s’était produit, non moins fécond, non moins inopiné, entre l’idéal catholique et l’esprit germanique ; il nous faudra faire halte devant ce phénomène, avant de tenter un nouveau pas dans l’histoire ultérieure.


GEORGES GOYAU.