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liberté le détail de ces édifices, dût l’assise elle-même en souffrir.

Le Concordat signé, dès le 5 juin 1817, entre Rome et la Bavière fut presque aussitôt mis en péril par la façon même dont le gouvernement bavarois le publia : on en fit comme un appendice de la constitution du royaume, — ce qui n’était point pour déplaire au Saint-Siège, — mais on y accrocha, comme second appendice, un « édit de religion, » qui subordonnait l’Eglise à l’Etat. La signature donnée au Pape par le roi de Bavière était corrigée et à demi retirée par cette adjonction d’articles organiques, qui ne faisaient avec le Concordat qu’un seul et même bloc, charte hybride, incohérente, pour laquelle fut réclamé le serment des ecclésiastiques et des fonctionnaires. D’interminables négociations s’engagèrent entre Munich et le Saint-Siège : elles aboutirent à la déclaration de Tegernsee, par laquelle le roi de Bavière promit, en termes embarrassés, que le Concordat à lui seul, pris en soi, aurait la valeur d’une loi de l’État, et que les garanties qu’il accordait à l’Eglise catholique ne pourraient être diminuées ou restreintes par les stipulations de l’Edit de religion. Cette exégèse, signée d’un paraphe royal, était un chef-d’œuvre de subtilité : la Curie s’en pouvait dire satisfaite, et les légistes, d’autre part, y trouvaient de multiples occasions d’épiloguer ; mais c’était déjà beaucoup, pour Rome, d’avoir fait reconnaître en principe la vertu législative intrinsèque du Concordat, et d’avoir obtenu, pour l’Eglise de Bavière, quelques compensations matérielles à la perte de ses biens ; il appartenait aux évêques et il appartenait aux fidèles de considérer ces faits comme acquis, et d’en profiter.

La Prusse, de son côté, dès 1815, s’était essayée à causer sérieusement avec le Pape : Niebubr, l’illustre historien, avait été envoyé à Rome comme ministre. On eût fort surpris le premier roi de Prusse ou son successeur le Roi-sergent, si l’on eût pu leur faire entrevoir que, moins de cent ans après eux, un Hohenzollern nouerait des rapports avec l’ « Antéchrist » et permettrait même à ses diplomates de le qualifier de Très-Saint-Père. La situation légale des catholiques, dans le royaume de Prusse tel qu’il existait avant Frédéric II, avait été fixée par le traité de Westphalie et par diverses conventions diplomatiques ; c’était une matière qui ne relevait ni du droit administratif, ni surtout du droit canon, mais plutôt du droit des gens ; et le roi de Prusse n’avait de comptes à rendre qu’aux puissances cosignataires de