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Théâtre du Peuple, paraissent la considérer comme secondaire ; peut-être faudrait-il dire qu’en définitive, elle est seule importante. Car que signifierait un théâtre, de quelques élémens qu’il soit composé et à quelque public qu’il s’adresse, et qu’importerait l’organisation théorique même la plus parfaite, si l’œuvre vivante qui doit en sortir n’avait qu’une valeur indifférente ? C’est ici surtout que l’arbre doit être jugé à ses fruits. Ou bien il faudrait considérer ce théâtre comme ne visant qu’à une fonction didactique et politique, ou comme n’intéressant la curiosité que par un certain air de pittoresque, sans prétendre en aucun cas à un caractère d’art. Or nous avons reconnu que notre façon de concevoir le Théâtre du Peuple repoussait cette solution : la préoccupation de rapprocher l’art dramatique du grand public et de la nature reste subordonnée au souci de faire œuvre d’artiste, ou plutôt elle se confond avec lui, elle a en lui sa cause et sa fin. Toutefois des raisons auxquelles il a déjà été fait allusion me forcent à passer rapidement sur la partie principale de ce répertoire : car il s’agit d’œuvres personnelles, qu’il ne m’appartient pas de juger. Tout ce que j’en puis dire, c’est que les huit pièces représentées à Bussang[1], par la variété volontaire des sujets choisis, du dessin et du ton, marquent chacune un essai vers une forme théâtrale adaptée aux moyens d’une scène rustique, mais où l’écrivain, en cherchant à être intelligible à tous, a entendu maintenir sa liberté d’artiste et ses tendances vers un idéal dramatique de plus en plus général.

On a cru voir dans ses œuvres une intention de moraliser : les uns lui en ont fait un blâme, les autres un éloge : éloge et blâme résultent d’un malentendu, sur lequel il s’est expliqué déjà maintes fois. Si l’on peut trouver un enseignement dans ses pièces, c’est qu’en effet l’art dont il s’inspire, l’art classique de tous les pays et de tous les temps, d’Eschyle à Shakspeare et de Molière à Ibsen, reste inséparable d’une idée morale,

  1. En voici la liste, avec les dates de la 1re représentation : — 1895 : Le Diable marchand de goutte, pièce populaire en 3 actes. — 1896 : Morteville, drame légendaire en 3 actes. — 1897 : Le Sotrè de Noël, pièce rustique en 3 actes (en collaboration avec Richard Auvray) musique de Ch. Lapicque et L. Michelot. — 1898 : Liberté, drame en 3 parties et le Lundi de la Pentecôte, comédie en 1 acte. — 1899 : Chacun cherche son trésor, conte de sorciers en 3 actes, musique de L. Michelot. — 1900 : L’Héritage, tragédie rustique, en prose. — 1901 : C’est le vent, comédie villageoise en 3 actes. — 1902 : Macbeth de W. Shakspeare, traduction nouvelle, musique de L. Michelot. Cette année, au mois d’août, on donnera, avec la reprise de Macbeth, une nouvelle comédie en trois actes : À l’Écu d’argent.