Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des sujets de satisfaction ? Sans doute, ils n’y trouvaient presque plus trace de cette passion théologique, de cette vie spirituelle si intense, si enthousiaste qu’y avait allumées la parole de Newman, et qui, selon eux, avaient fait tort à la science séculière. Du ciel où cette jeunesse leur paraissait s’être un peu égarée, ils avaient contribué à la ramener sur la terre. La voyaient-ils donc obéir maintenant à d’autres mobiles plus pratiques, mais aussi nobles que ceux auxquels ils l’avaient soustraite ? Avaient-ils réussi à éveiller chez elle le culte viril et ardent de la vérité scientifique, le souci d’une moralité qui, pour être plus humaine, ne devait pas, dans leur idée, être moins efficace ? A recueillir leurs aveux, on peut en douter. Jowett confesse qu’après l’arrêt de l’impulsion tractarienne, « si quelques-uns s’étaient tournés vers la philosophie allemande, d’autres avaient préféré les soupers au homard et au Champagne[1]. » En 1858, Stanley, rentrant à Oxford, après quelques années d’éloignement, écrivait : « L’aspect poussiéreux, mondain, desséché de ce lieu est très déplaisant. La torpeur des étudians dans les relations sociales est seulement surpassée par leur merveilleuse indifférence pour tout ce qui ressemble à une étude théologique… De la jeunesse de Balliol, je sais peu de chose. Aucun d’eux ne vient à mes cours. Ce qui, je le présume, tient à ce qu’aucun d’eux ne se dirige vers les ordres, symptôme bien autrement inquiétant pour l’avenir de l’Eglise d’Angleterre qu’aucun de ceux dont nos agitateurs et nos alarmistes font si grand tapage[2]. » Déjà, plusieurs années auparavant, un homme qui, par certains côtés, se rattachait au Broad church, Maurice, constatait, après avoir séjourné quelque temps à Oxford, chez Stanley, que, « dans la jeunesse universitaire, tout était stagnant et mort. » Et, comme on lui disait qu’il y avait peut-être quelque mouvement dans le sens de l’infidélité, il répondait qu’il ne le pensait pas et que, « s’il y avait abondance d’infidélité, c’était une infidélité passive, stagnante[3]. » D’autres croyaient davantage à ce danger de l’infidélité. Tel un ami de Maurice, Hort, qui, après avoir constaté, lui aussi, cette « stagnation » des esprits, ajoutait : « Quelle sera la fin de tout cela ? C’est difficile à dire. Vous pensez que ce sera une révulsion violente dans la direction de Strauss, Emerson et Francis

  1. Life and Letters of B. Jowett, par Abbott, t. I, p. 74.
  2. Life of Stanley, t. II, p. 2, 3.
  3. Life and Letters of Hort, par A. F. Hort, t. I, p. 159.