Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/944

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parnassien de qui l’origine, l’importance et les bornes n’ont jamais été précisément marquées. » Le seul reproche que nous serions tentés de lui faire, c’est de n’avoir pas accompli avec toute la précision qu’il promet et qu’on eût souhaitée, ce travail d’exacte délimitation. Notons d’ailleurs que sur le sens du mouvement parnassien, M. Mendès n’a jamais varié, et que le témoignage qu’il apporte aujourd’hui concorde de tous points avec celui qu’il donnait naguère. Jamais il n’a admis que les Parnassiens eussent songé à innover en poésie. Il n’accepte pas pour eux l’honneur d’avoir voulu former une école : groupe, si l’on veut, mais école non pas. Il constate que les poètes associés pour publier leurs vers en commun avaient les tempéramens les plus divers et entendaient conserver toute leur liberté. « Leur œuvre, qu’on incline à présenter comme collective, est infiniment éparse et diverse. » S’ils acceptaient les conseils de leurs aînés, ils n’acceptaient de mot d’ordre de personne ; et si, comme il arrive inévitablement à de très jeunes gens, ils imitaient volontiers les meilleurs faiseurs de vers, ils prétendaient ne pas aliéner leur indépendance. Au reste, ils n’avaient nullement ce dédain du public qu’on leur a prêté et dont on les a si souvent raillés. Bien loin de se réfugier dans un isolement hautain, ils regardaient du côté de la foule ; et dès qu’ils en ont trouvé les moyens, ils se sont empressés de lui aller dire leurs vers. Ils n’étaient reliés que par un seul désir, celui de livrer le bon combat contre « tous les faux élégiaques, tous les faux humanitaires, tous les débraillés, tous les mauvais poètes. » Ils voulaient « faire l’émeute des vers, des véritables vers, contre ce roi, le Sentimentalisme élégiaque, et cette reine, la Faute de français. » Entre eux tous, il n’y avait qu’un trait en commun, qui était le respect de la forme.

Ces déclarations sont bonnes à retenir, et on peut en faire état pour noter dans le premier Parnasse une sorte de caractère éclectique. Le romantisme y était représenté, en effet, par les deux Deschamps et par Auguste Vacquerie. L’école de 1850 y figurait au grand complet avec Théophile Gautier, Banville, Leconte de Lisle, Baudelaire. C’étaient enfin les nouveaux venus : Heredia, Coppée, Sully Prudhomme, Léon Dierx, Stéphane Mallarmé. L’un d’eux, Paul Verlaine, énonçait avec ferveur les règles d’un art poétique qu’il est curieux de transcrire aujourd’hui :


L’art ne veut point de pleurs et ne transige pas,
Voilà ma poétique en deux mots : elle est faite
De beaucoup de mépris pour l’homme et des combats
Contre l’amour criard et contre l’ennui bête.