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— c’était en 1797 — s’appuyait sur ces remarques pour engager son clergé à prêter le serment de « haine à la royauté. » « En supposant même, reprenait Bausset au sujet de la promesse de fidélité à la Constitution de l’an VIII, que des considérations purement politiques puissent prévaloir sur la plus sacrée de toutes les obligations, celle qui attache essentiellement les prêtres à l’exercice de leur ministère, il faudrait au moins que ces opinions politiques fussent d’une nature si certaine, si évidente, si démontrée, qu’elles ne permissent ni le doute ni la discussion, et qu’elles commandassent impérieusement l’assentiment de l’esprit. » Ainsi parlait Bausset, le propre biographe de Bossuet : en ces matières politiques où l’évêque de M eaux introduisait l’Écriture Sainte, il faisait s’insinuer, lui, une sorte de doute méthodique.

D’une part, les théologiens et prélats intransigeans, imbus de cette idée que l’Eglise est par essence une école de respect à l’endroit des pouvoirs légitimes, perpétuaient une solidarité assez étroite entre la cause de l’autel et la cause du trône ; d’autre part, Émery, La Luzerne, Belloy, Bausset, représentaient cet esprit d’adaptation par lequel l’Église s’encadre, avec une harmonieuse souplesse, dans les divers régimes politiques ou sociaux. Entre les uns et les autres, ce n’était point le conflit de deux théologies : car, théologiquement parlant, les uns et les autres raisonnaient avec correction. Ils étaient en désaccord, en fait, sur la façon d’interpréter le formidable soubresaut qui venait d’ébranler le monde ; et ce qui se débattait entre eux, sans que les uns ni les autres osassent formuler en termes aussi nets ce problème troublant, c’était de savoir si la Révolution était, oui ou non, un fait acquis.

S’il y avait un endroit en Europe où l’on ne pouvait, à cette question, répondre par un oui, cet endroit devait être la cour du futur Louis XVIII. On y considérait la doctrine politique de la légitimité comme si étroitement attachée au Credo chrétien, qu’on n’éprouvait aucune gêne à traiter les évêques en fourriers de la monarchie, et qu’on ne prenait aucunes formes oratoires pour la rédaction de leurs feuilles de route. Le roi fit à cet égard trois essais successifs. De Vérone, en mars 1796, il écrivit aux évêques pour leur proposer la formation d’un conseil de dix évêques dépositaires des pouvoirs de l’épiscopat, choisis par leurs collègues à la pluralité des suffrages, et chargés de « fixer l’opinion commune du clergé de France sur les matières les plus importantes au rétablissement de la religion, diriger les pasteurs de second ordre, solliciter la sanction du Saint-Siège aux