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plaisamment de « l’odeur de son hétérodoxie, qui avait pénétré, non seulement dans le conseil des chefs de collèges, mais jusque dans le cabinet des ministres whigs. » Evangelicals et high churchmen, pour cette fois d’accord, étaient également effarouchés. Sans doute, dans les inquiétudes des hommes de tradition, il en était qui venaient de préoccupations un peu routinières. Si cette introduction de la critique historique dans l’étude des Écritures dérangeait les positions prises, elle n’en était pas moins un fait nécessaire et légitime dont la science chrétienne devait prendre son parti et s’arranger pour tirer profit. Mais où les inquiétudes devenaient plus justifiées, c’est quand Church se demandait si, à force de vouloir mettre en lumière la vérité humaine et purement historique des faits religieux, Stanley n’en perdait pas de vue le côté divin et la portée théologique[1] ; c’est quand Keble et Pusey notaient, dans ses écrits, une sorte de parti pris de ne pas affirmer la divinité personnelle du Christ, ou d’éviter toute mention des miracles. N’était-on pas alors porté à conclure que sa foi chrétienne était incomplète, ou tout au moins incertaine ?

Ceux qui doutaient de l’orthodoxie de Stanley ne se trompaient pas. Non qu’il soit aisé de préciser quelles étaient ses croyances. Lui-même n’avait ni le goût ni le besoin de s’en rendre un compte exact. Il ne cachait pas son aversion pour toute assertion dogmatique ou métaphysique, n’y voyant que matière à disputes verbales. À ses yeux, le dogme n’était, dans la religion, qu’une chose secondaire dont, pour sa part, il se désintéressait à peu près complètement. L’important était la morale, sur laquelle il n’estimait pas que les croyances dogmatiques pussent avoir effet. Il proclamait que le salut d’un homme ne devait pas dépendre de ce qu’il croyait ceci ou cela. L’histoire d’ailleurs, à laquelle il était disposé à tout ramener, lui semblait prouver, en ces matières doctrinales, non seulement la faillibilité de l’Église, mais ses variations et ses contradictions. En ce qui le concernait, il réduisait son symbole à un minimum singulièrement restreint. Il croyait à un Dieu Père, vers lequel s’élevait sa prière. Il admettait les sanctions de la vie

  1. Occasional papers de Dean Church, t. Ier, p. 66 et suiv. — Le biographe de Stanley le loue d’avoir travaillé à « séculariser, humaniser, moraliser la théologie chrétienne, à la faire descendre du ciel sur la terre » (Life of Stanley, t. II, p. 177.)