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Chère douleur ! ô seul brisement délectable,
C’est donc vous que du fond des enfantines paix,
Nous attendions, nous appelions, que j’appelais
Quand les trop doux matins défaillaient sur le sable ;

Vous par qui l’on sanglote et vous par qui l’on rit,
— Rire d’inconsolable et mortelle allégresse ! —
O douleur, gardez-nous, que nous soyons sans cesse
Renversés en travers de vos genoux meurtris.

Qu’importe l’épuisante et l’ardente démence !
L’âpre gloire se tient près des plus faibles cœurs,
Faisons de notre vie, illustre par ses pleurs,
Une ville bâtie au bord d’un fleuve immense…


PARFUMS DANS L’OMBRE


Par ce soir fin, traînant et plat,
De la tristesse pleut des branches,
On respire, dans l’air qui penche,
Une odeur de secret lilas.

Ce lilas, derrière les grilles
D’un petit jardin triste et doux,
Donne un parfum plus fort, plus fou
Que ne font toutes les vanilles.

— Lilas qui passerez bientôt,
Votre cœur, plus qu’aucun cœur d’homme,
Vaut qu’on le révère et le nomme
Pour son délire et son fardeau.