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corrects de tenue, plus militaires, plus disciplinés. Un régiment est recruté, officiers et soldats, parmi les Maltais ; il ne doit servir qu’à la défense des îles dont tous les habitans, de seize à soixante ans, sont inscrits dans la milice et tenus, en cas de guerre, au service militaire ; en outre, dernièrement, a été décidée la création d’une réserve composée de marins maltais, capables de remplir, si besoin était, les vides produits dans les équipages britanniques.

Malgré ses canons et ses soldats, Malte, laissée à elle-même, sans flotte dans ses ports, serait encore moins à craindre que Gibraltar. A 80 kilomètres de la Sicile, à 300 du cap Bon, elle ne commande pas le détroit, mais elle est le point d’appui, le centre d’approvisionnement et de réparation, la base d’opérations de la flotte de la Méditerranée. C’est là tout son rôle militaire, mais il est de première importance. De toutes les escadres actives que l’Angleterre entretient sur les mers, celle de la Méditerranée est la plus forte, celle qui a les meilleurs bateaux, les plus nouveaux ; elle se compose normalement de trois divisions de cuirassés, sans compter les croiseurs et les bâtimens plus petits. En outre, des torpilleurs et surtout un grand nombre de ces élégans et légers bateaux coureurs que les Anglais appellent « destroyers, » parce qu’ils les destinent à détruire les torpilleurs de leurs adversaires, sont attachés à Malte et stationnent au fond du Marsamuschetto. La plupart du temps l’escadre tout entière n’est pas réunie à Malte ; elle envoie volontiers l’une de ses divisions mouiller, soit dans la rade de Syracuse, soit dans celle de Corfou, où elle séjourne, comme si elle était dans un port anglais. Les ateliers, les magasins nécessaires pour réparer et ravitailler une flotte s’échelonnent le long des berges sinueuses du grand port ; plusieurs bassins de radoub s’y creusent ; bref, Malte possède tous les élémens qui constituent un grand arsenal maritime ; mais elle est obligée de suppléer à grand’peine aux ressources naturelles qui lui font défaut ; sans mines, sans « arrière-pays » qui puisse lui fournir des vivres et du combustible, elle a besoin d’avoir d’immenses magasins, des approvisionnemens énormes. Si bien cultivée qu’elle soit, Malte, où la population est très dense, est loin de produire ce qui est nécessaire à sa vie ; pas plus que Gibraltar, elle ne saurait subsister sans demander aux pays voisins, à Syracuse, à Tripoli, à Tunis, à l’Italie, à l’Angleterre, le bétail, le blé, le charbon, toutes les denrées qui lui. sont indispensables. Mais, en