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DEUX FORTERESSES
DE LA
« PLUS GRANDE BRETAGNE »

GIBRALTAR ET MALTE

La nature, en modelant la face de la terre, semble avoir disposé la Méditerranée pour devenir le siège d’un grand empire maritime. De fait, presque tous les peuples qui ont exercé la royauté des mers étaient riverains du vaste bassin où l’Europe, l’Afrique et l’Asie viennent se réunir au bord des mêmes eaux et sous le même ciel. Aux Phéniciens, aux Grecs, aux Carthaginois et aux Romains, succédèrent les Vandales et les Byzantins, les Arabes et les Turcs, Venise et Gênes, l’Espagne et la France. Et lorsque, au XVIIIe siècle, la suprématie maritime sortit de la Méditerranée pour passer décidément à la Grande-Bretagne, le rôle de cette mer, dans la vie économique et politique du monde, resta si grand, malgré les découvertes des navigateurs qui ouvraient des routes nouvelles sur les océans, que les Anglais se hâtèrent de prendre pied sur ses rivages : au traité d’Utrecht, ils gardèrent Gibraltar et Minorque, et, pendant les guerres de la Révolution, ils enlevèrent Malte et occupèrent Corfou.

La Méditerranée n’était cependant, à cette époque, qu’un lac avec une seule issue du côté de l’ouest ; les côtes africaines et asiatiques, hantées par les pirates barbaresques, étaient à peine entr’ouvertes aux négocians chrétiens. Mais l’activité du commerce dans les ports européens, la grandeur des intérêts en jeu,