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tourisme s’organise ainsi en France méthodiquement et pratiquement, quel peut en être le résultat ? Il y aura d’abord un résultat matériel. Si l’on considère, en effet, qu’outre ses massifs montagneux, la France a ses côtes, on peut supposer hardiment qu’elle arrivera à retirer du tourisme le double de ce qu’en retire la Suisse, soit environ 200 millions par an. Il y aura ensuite un résultat moral. Lorsque les étrangers ne se contenteront plus de venir s’amuser dans les milieux cosmopolites de Paris ou des villes d’eaux, lorsqu’ils verront de plus près notre pays, avec les qualités de travail, d’épargne et d’intelligence de ses habitans, ils prendront une autre idée de nous. Ils ne nous en aimeront peut-être pas plus, mais ils nous en estimeront et nous en respecteront davantage. Nous avons tout à gagner à être mieux connus.

Est-ce à dire que nous devons purement et simplement imiter la Suisse ? Certes non. Sachons profiter de ce qu’elle a fait, en restant nous-mêmes. Ayons des hôtels tenus comme les siens, mais gardons notre cuisine, saine et fine à la fois ; offrons à nos hôtes non pas seulement le banal menu que l’on trouve partout, mais les mets locaux que chacune de nos provinces a conservés comme une agréable tradition. Soyons méthodiques comme la Suisse, mais sachons l’être avec souplesse et distinction. Souvenons-nous que la France est la terre de la bonne grâce et du sourire. Pour tout résumer d’un mot, recevons l’étranger, non pas avec l’empressement correct et banal d’un hôtelier, mais avec la courtoisie à la fois cordiale et réservée d’une vieille race, qui, sachant ce que vaut son domaine, en fait galamment les honneurs.


LOUIS FARGES.