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nombre possible de personnes. La quantité des voyageurs devait compenser largement les prix élevés payés autrefois par un petit nombre. Dès 1843, quelques hôteliers s’étaient entendus pour appliquer un tarif unique d’environ dix francs par personne et par jour. Depuis cette date, — à part les établissemens de grand luxe ou dans une situation d’accès particulièrement difficile, qui sont toujours très chers, — les hôtels suisses se recommandent, au contraire, par leur bon marché relatif, surtout si l’on séjourne un peu longuement. Le calcul fait par les Suisses, avec un esprit aussi pratique qu’avisé, s’est donc réalisé pleinement, comme on en peut juger en étudiant l’état actuel de l’industrie du tourisme dans ce pays.

La situation géographique de la Suisse la prédestinait à devenir un grand carrefour, le jour où les progrès de l’industrie permettraient de surmonter les obstacles qui tiennent à la topographie tourmentée de son sol. Si le massif des Alpes suisses tombe presque à pic au midi, il est d’un abord relativement facile de tous les autres côtés. A l’ouest, les retranchemens parallèles du Jura sont traversés par des cluses et peuvent se tourner, au nord et au sud, par les deux trouées de Belfort et de Genève. Au nord, les vallées profondes du Rhin et de ses affluens ouvrent des routes pittoresques jusqu’au cœur du pays. A l’est, l’accès, pour être moins facile, est encore très praticable. Placée à la fois sur la route qui va, de l’Angleterre et de la France, vers l’Orient, et sur celle qui mène de l’Allemagne vers l’Italie, la Suisse s’est vue, dès lors, traversée par deux lignes très importantes de chemins de fer et voisine de deux autres non moins considérables. De l’ouest à l’est, une ligne mène, de Londres, par la Belgique ou la France, à Bâle, d’où l’on gagne Vienne par Innsbruck. Perpendiculairement à celle-ci, la ligne du Saint-Gothard constitue l’artère essentielle de communication entre le Nord et le Sud de l’Europe. A droite et à gauche, les grandes lignes du Mont-Cenis, bientôt celle du Simplon, et de Vienne à Venise par Trieste, complètent le système. Ces quatre lignes drainent sur tout le continent européen les touristes vers les Alpes ; c’est sur elles, que, plus ou moins directement, viennent s’embrancher les diverses voies ferrées qui constituent le réseau spécialement suisse.

Mais ce n’est pas tout d’aller facilement dans un pays : il faut encore, pour qu’on y aille et surtout pour qu’on y revienne, que