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élémens de son outillage pour l’industrie nouvelle du tourisme, et déjà les voyageurs trouvaient dans ce pays des facilités qui n’existaient, à cette époque, nulle part ailleurs. Les premiers hôtels, dont nous avons indiqué plus haut la fondation, avaient vu s’établir à côté d’eux de nombreux concurrens. Dans l’Oberland, Interlaken avait déjà perdu sa physionomie de village suisse, ses maisons de bois, et ressemblait de plus en plus à une cité anglaise. On avait élevé les hôtels de l’Uetliberg (1839), du Giessbach, de la Petite-Scheidegg (1842), de Mürren (1857). Le Beatenberg commençait à être fréquenté. A Montreux, on achevait la ligne de chemin de fer, ouverte en 1861, qui allait, réunir « la Nice de la Suisse » à Clarens, Glion, Territet, les Avans, par une suite ininterrompue de boarding-houses et de villas. Zermatt recevait environ un millier de voyageurs dans ses deux hôtels du Monte-Rosa, fondé en 1838, et du Mont-Cervin, fondé en 1852. Les stations du Burgenstock et de l’Engelberg permettaient déjà de séjourner dans la région du lac des Quatre-Cantons. Si Davos restait encore ignoré, une compagnie s’assurait, dès 1855, le monopole cinquantenaire des sources de Saint-Maurice.

Des publications nombreuses continuaient à faire connaître la Suisse à l’étranger. Après Heidegger[1], après le livre d’Ebel, peu facile à manier, même dans son édition de 1818 en trois volumes in-8o, après Glutz-Blotzheim[2], Joanne, Baedeker et Murray, faisaient paraître leurs excellens volumes, qui, remaniés et tenus à jour, sont encore les compagnons indispensables du voyage en Suisse. Une foule de publications moins didactiques, parmi lesquelles il faut se garder d’oublier celles d’Alexandre Dumas et de Töpffer, récits de voyage, albums illustrés, etc., inspirèrent le désir de connaître de près les beautés de la nature alpestre. Il y eut là, aux environs de 1860, un moment unique dans lequel tout concourut, création d’hôtels, développement des chemins de fer, publications, pour créer un grand mouvement des étrangers vers la Suisse, mouvement auquel la création du Club Alpin suisse (1863) allait donner un organe et une direction.

Le grand mérite des Suisses fut alors de comprendre que, pour accroître l’importance de ce mouvement et assurer sa durée, il fallait renoncer à faire du voyage et du séjour un luxe coûteux, mais, au contraire, les rendre accessibles au plus grand

  1. Handbuch für die Reisenden durch die Schweiz, Zurich, 1787-1789, in-8o.
  2. Guide pour les voyageurs en Suisse, Zurich, 1823, in-8o.