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l’industrie du tourisme, dirions-nous plus volontiers. Ils ont su drainer ainsi l’or étranger, et un économiste a pu écrire avec raison que c’était « en grande partie au tourisme, pris dans la plus large acception du mot, et à la vente en détail aux étrangers, » que la Suisse, comme la France et l’Italie, devait sa bonne situation monétaire[1].

Comment cela s’est-il fait ? Quelle est l’organisation actuelle de cette industrie ? La France peut-elle à son tour l’organiser chez elle et en tirer profit ? Telles sont les trois questions auxquelles je veux essayer de répondre.

Convertir, commercer, conquérir ; étendre ses idées, ses échanges, ou ses terres ; ce sont ces trois motifs qui, dès la préhistoire, ont poussé les hommes à braver les fatigues et les dangers des voyages. Ces raisons ont été parfois isolées, parfois réunies, comme chez Colomb découvrant l’Amérique ou Vasco de Gama doublant le cap des Tempêtes ; la conquête a précédé l’évangélisation, ou celle-ci a ouvert la route au commerce, mais peu importe. Il n’en reste pas moins que c’est à la foi, à l’amour du gain, ou à l’esprit d’aventure, que l’on doit les premiers voyageurs. La simple curiosité n’est venue qu’après.

Celle-ci, d’ailleurs, n’aurait pas suffi à elle seule pour faire de l’hospitalité primitive une véritable industrie, source de revenus considérables. Les simples curieux sont assez rares, leur passage rapide, leurs dépenses généralement modestes ; de plus, par cela même qu’ils sont des curieux, ils cherchent sans cesse des impressions nouvelles et ne reviennent guère aux endroits qu’ils ont déjà visités. Il est vrai, leurs conversations, leurs écrits font connaître à d’autres les pays qu’ils ont parcourus. Mais, si ces pays n’ont d’intéressant que leur commerce ou leur industrie, ils n’y attireront guère que d’autres curieux de passage, économistes ou agronomes. Pour qu’une région soit à la fois un but de voyage et un lieu de séjour, il faut qu’elle promette le plus précieux des biens humains, la santé. Si des eaux thermales et minérales y sourdent des profondeurs du sol, si le climat y est doux et sain, malades ou fatigués viennent y chercher la santé du corps ; si l’œuvre des hommes, complétant ou remplaçant celle de la nature, a élevé des monumens, réuni des chefs-d’œuvre, accru la beauté du paysage de la magie des souvenirs,

  1. Voyez le Temps du 7 avril 1902.