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gouvernement sur la marche des opérations des armées. Sur ce théâtre du Sud-Est, dont nous venons de parler, les attaques succèdent aux attaques. Rien n’arrête nos généraux, ni les fatigues de la montagne, ni les rigueurs du temps, ni les revers. Tous successivement font preuve d’une vigueur très grande. L’impulsion du gouvernement les pousse à agir sans relâche, à affronter toutes les difficultés, tous les périls.

A une autre époque de notre histoire, où le gouvernement fit sentir, avec fermeté, son action sur la haute direction de la guerre, sous le cardinal de Richelieu, en 1640, Arras était assiégé par trois armées françaises, commandées par les maréchaux de Chaulnes, de Châtillon, de la Meilleraye. Les Espagnols marchèrent au secours de la place. Les maréchaux tinrent conseil à l’effet d’examiner s’ils devaient sortir des lignes pour livrer bataille. Ils ne purent s’entendre, et, — d’après les Mémoires de Puységur[1], — ils dépêchèrent au cardinal, à Doulans, pour lui demander des ordres, M. De Fabert, le futur maréchal de France. Le cardinal de Richelieu leur répondit : «… Lorsque le Roi vous a confié le commandement de ses armées, il vous en a crus capables. Il lui importe peu que vous sortiez ou que vous ne sortiez pas de vos lignes ; mais vous répondez de vos têtes, si vous ne prenez pas la ville. »

Arras fut pris. - La boutade du cardinal, — toute rude, toute cruelle qu’elle soit, — montre en quelques mots les devoirs essentiels de tout gouvernement pour la guerre :

Désigner les chefs d’armée ;

Leur indiquer le but à atteindre ;

Se garder d’intervenir dans les moyens d’exécution, qui doivent rester entièrement à la disposition des chefs militaires ;

Rendre ceux-ci responsables de la conduite de leurs opérations. — Cette idée de responsabilité des chefs militaires ne date pas de Richelieu. Dans ses Mémoires, Xénophon fait dire à Socrate : « Puisque la fortune de la République repose souvent sur les généraux, il faut punir sévèrement ceux qui, tout en ayant brigué cet emploi, ont négligé de se rendre capables de l’exercer. »

  1. Mémoires de Puységur, Ier vol., Siège d’Arras. Le marquis de Puységur faisait partie de l’armée du siège. Il était capitaine. Il fut nommé maréchal, de camp le 6 janvier 1651, et ne dépassa pas ce grade.