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n’existait que d’un côté. A la fin, la volonté de notre gouvernement, tout en étant ardente, trop ardente même peut-être, n’a plus à sa disposition que des moyens insuflfsans. Ce n’est plus que la guerre de troupes régulières, déjà surexcitées par de grandes victoires, contre des milices.

Et néanmoins, dans ces armées improvisées, on peut citer partout des actes d’admirable dévouement. Y a-t-il rien de plus héroïque que la charge d’infanterie, dont la petite église de Loigny rappelle si éloquemment le douloureux, mais glorieux souvenir ? que ces zouaves pontificaux, ces mobiles des Côtes-du-Nord, ces francs-tireurs de Tours et de Blidah, entraînés, dans la soirée du 2 décembre, par le commandant du 17e corps, le général de Sonis ? Il s’agissait d’enlever Loigny et de dégager deux bataillons du 37e de marche qui luttaient, bravement et en désespérés, dans le cimetière du village. Malgré l’artillerie qui balaie la grande plaine, malgré la fusillade, nos vaillantes troupes atteignent Loigny ; mais elles y sont écrasées par des forces supérieures. En quelques minutes, le général de Sonis a la cuisse fracassée, son chef d’état-major est atteint d’un éclat d’obus ; le général de Charette est grièvement blessé et laissé pour mort au milieu des cadavres de ses zouaves, qui perdent plus des deux tiers de leur effectif…

Il n’était pas inutile de faire cette constatation, de rappeler ces souvenirs. Ils ne peuvent que contribuer à nous faire envisager l’avenir avec confiance ; à nous persuader que, le jour où nous aurons à notre tête des chefs d’armée voulant, sachant prendre, dès le début de la guerre, une offensive hardie, vigoureuse, l’armée de la France se retrouvera avec ses admirables qualités d’entrain, d’ardeur, d’initiative, et qu’elle saura effacer les tristes et injustes souvenirs de 1870.


II

La mobilisation et la concentration de l’armée allemande, pour la guerre de 1870, ont été assurées de Berlin même. Le roi de Prusse[1] et le général de Moltke ne se mirent en route que le 31 juillet, pour transporter le grand quartier général des armées à Mayence, où il fut établi le 2 août.

  1. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que le roi Guillaume Ier a été couronné Empereur, et le général de Moltke, fait maréchal.