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satisfaction au gouvernement ottoman. Que reprochait-on au cabinet Daneff à Saint-Péterbourg, et même ailleurs, sinon de ne pas surveiller suffisamment la frontière, et d’y laisser passer des bandes, des armes, des munitions, des explosifs ? Si le ministère Petroff inaugure une politique plus correcte et plus ferme, on ne lui en saura certainement pas plus de gré à Constantinople qu’à Saint-Pétersbourg. Il n’était pas nécessaire pour cela de recourir aux stamboulovistes.

Le plus probable est que le prince a jugé que ses anciens ministres étaient usés. Leur popularité était descendue à un étiage très faible. Le malheur est que le discrédit où ils étaient tombés ne tenait pas à leurs personnes, mais à la politique qu’ils suivaient, et si les nouveaux ministres suivent la même, avec la seule différence qu’ils s’y prendront mieux, nous craignons qu’ils ne soient pas plus heureux que leurs devanciers. Au fond, il y a en Bulgarie, en ce qui concerne la Russie, une grande déception et un grand mécontentement. Malgré les assurances contraires qui avaient été multipliées à Saint-Pétersbourg, la Bulgarie n’avait pas pu se faire à l’idée qu’on la laisserait à ses seules forces. Il faut bien qu’elle se rende aujourd’hui à l’évidence. Le prince Ferdinand a trop d’esprit politique pour modifier sa politique générale. Ne voulant pas donner à l’opinion des satisfactions de choses, il a essayé de lui donner des satisfactions de personnes. Cette politique est connue ; elle réussit quelquefois ; elle est toujours dangereuse.

Il n’y a pas de meilleure explication du changement de gouvernement auquel le prince a procédé. Il paraît désireux de s’entendre, sous des formes nouvelles, encore mieux que par le passé, avec la Porte et d’obtenir d’elle quelques adoucissemens aux rigueurs exercées contre les Bulgares en Macédoine. Si c’est bien là sa politique, elle est raisonnable, et, bien qu’il veuille paraître la suivre avec plus d’indépendance à l’égard de la Russie, il sera d’autant plus agréable à celle-ci qu’il s’y conformera plus exactement.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.