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propre faute, en dehors de la majorité. Rendons-leur justice : de toutes les qualités qui les distinguent aujourd’hui, et qui sont si différentes de celles dont ils se glorifiaient autrefois, le dévouement ministériel a pris la première place, toute la place peut-être. Ils sont ministériels avant tout et ils l’ont prouvé avec un éclat incomparable, car, battus, non seulement sur leur ligne de bataille, mais encore dans leur ligne de retraite, ils ont néanmoins voté pour le gouvernement. Ils l’ont fait l’oreille basse, mais ils l’ont fait.

A la reprise de la séance, M. Hubbard a demandé une chose bien modeste, si modeste que nous ne sommes pas encore revenus de notre étonnement qu’il ne l’ait pas obtenue. En dehors de M. De Pressensé dont nous avons parlé plus haut, d’autres députés encore ont présenté des projets de séparation de l’Église et de l’État : autour d’une question pareille, il se forme toujours avec le temps comme une végétation parlementaire. M. Hubbard a proposé que tous ces projets fussent renvoyés, avec déclaration d’urgence, à la commission des Associations. Cela ne tirait nullement à conséquence. Il n’y avait là, somme toute, qu’une politesse faite à M. Hubbard, et, dans sa personne, à une opinion soutenable en soi, intéressante partout ce qui s’y rattache, et qui compte un nombre considérable de partisans. La motion de M. Hubbard allait être mise aux voix sans discussion, lorsque M. Thierry, dénonçant le marchandage qui s’était fait avec le gouvernement pendant la suspension de séance, a sommé M. le président du Conseil d’énoncer son opinion. M. Combes a dû s’exécuter. Il a dit que le gouvernement, tout en faisant ses réserves sur le fond de la question, ne s’opposait pas à la procédure proposée, et il a ajouté quelques phrases à effet sur la bonne volonté qu’on trouverait toujours en lui chaque fois qu’il s’agirait de reconstituer la majorité. M. le président du Conseil, sans y insister pourtant beaucoup, conseillait à la Chambre de voter la motion Hubbard. Eh bien ! la Chambre ne l’a pas votée : elle l’a repoussée par une trentaine de voix, et on ne saurait, dans les circonstances actuelles, se méprendre sur le sens de ce vote, ni en exagérer l’importance. La Chambre, malgré les sollicitations des radicaux et des socialistes, et malgré l’invite que le gouvernement lui avait adressée pour qu’elle y cédât ; la Chambre a résisté et a prouvé par-là que, se rendant compte de la volonté du pays et de ses intérêts les plus profonds, elle n’était nullement disposée à préparer la séparation de l’Église et de l’État. Sans attendre que la question lui fût soumise dans son ensemble, comme elle le sera sans doute un jour ou l’autre, elle s’est refusée à manifester, même par une indication