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servir comme d’une menace contre le Vatican au dehors et contre ses adversaires au dedans, et de là vient la fausseté de sa situation. Après avoir reconnu les périls de la réforme, il déclare que, si grande qu’en soit la folie, il n’hésitera pas à la faire, pour peu qu’on lui cause des ennuis. Il parle dans un sens, et il conclut dans l’autre. Il aime à dire que l’état actuel est intolérable et qu’il faut en sortir à tout prix ; il indique même par quelles voies on pourrait le faire ; après quoi, il s’arrête, laissant à chacun de ses auditeurs le soin d’en penser ce qu’il voudra. Cela donne une prodigieuse confusion à sa pensée. Il voudrait sans doute, par ce moyen, conserver par devers lui les avantages de tous les systèmes qu’il a successivement envisagés, et échapper à leurs inconvéniens : à peine avons-nous besoin de dire qu’il aboutit précisément au résultat inverse. Son dernier discours a mécontenté tout le monde, les partisans de la séparation et ses adversaires, les modérés et les radicaux : il n’y a eu le lendemain qu’une voix dans la presse pour le condamner. On a jugé que, sur une question aussi grave, le chef du gouvernement devait avoir un avis et non pas deux, ou trois, ou plus encore. Un dialecticien dans son cabinet de travail peut envisager successivement toutes les solutions, passer de l’une à l’autre et en montrer le fort et le faible : un président du Conseil est tenu à plus de décision dans l’esprit. Il doit songer que chacune de ses paroles a une portée politique immédiate, soit au dedans, soit au dehors ; qu’elle encourage ou qu’elle décourage certaines espérances ; qu’elle correspond à telles idées et quelquefois à telles passions. Aussi, lorsqu’il dit le pour et le contre, le oui et le non, le blanc et le noir, laisse-t-il dans les esprits non seulement un trouble bien naturel, mais encore de l’irritation. On aurait eu de la peine à deviner, en fin de compte, quelle était la vraie pensée de M. Combes, si la discussion ne s’était pas terminée par des ordres du jour entre lesquels il lui a fallu, bon gré, mal gré, faire un choix. Il s’est décidé à en faire un, et, comme c’était le moins mauvais, il s’en est fallu de peu qu’il ne fût renversé.

L’ordre du jour auquel il a donné la préférence avait été rédigé par MM. Etienne, Dubief et Sarrien, c’est-à-dire par les présidens de trois groupes de la majorité. Mais il y a un quatrième groupe dans la majorité ; qu’était-il devenu ? Il a pour président M. Jaurès ; pourquoi M. Jaurès n’a-t-il pas mis sa signature à côté de celle de MM. Etienne, Dubief et Sarrien ? Symptôme grave ! Si le bloc s’égrène, ce n’est plus le bloc. Si un de ses élémens essentiels s’en détache pour évoluer seul, c’est un changement profond : un peu plus tôt ou un peu plus tard, la