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mélanges plus ou moins savamment dosés. La règle comporte, il est vrai, d’assez nombreuses exceptions apparentes. L’acétate et le valérate d’amyle reproduisent assez fidèlement le parfum de certaines poires, l’isovalérate d’amyle celui de quelques pommes, le butyrate d’éthyle celui de l’ananas, l’aldéhyde benzoïque celui des amandes amères, l’aldéhyde salicylique celui de la reine des prés ; mais ces corps ne donnent qu’une impression approchée de celles que procurent les fleurs et les fruits naturels. Elles n’en offrent ni le moelleux, ni la finesse, ni le fondu. Il leur manque quelque chose et souvent plusieurs choses. Il faut, pour approcher des modèles de la nature, adjoindre des accessoires à l’élément principal et constituer ainsi des mélanges complexes. A l’aldéhyde benzoïque, par exemple, il faut adjoindre une trace d’acide prussique si l’on veut imiter la véritable essence d’amandes amères.

L’ingéniosité des fabricans de parfums et de boissons à essences trouve là à s’exercer. La nature elle-même leur donne l’exemple : pour former le parfum de la rose, elle s’adresse à une matière première, le géraniol, plus abondante encore dans les fleurs de géranium ; elle y mélange une autre substance alcoolique, que certains chimistes ont appelée rhodinol, et que d’autres, plus récemment, ont identifiée avec l’essence qui s’extrait de la citronnelle : en y joignant enfin un autre corps résineux, le stearoptène, analogue à la paraffine, et quelques autres substances encore en quantités impondérables, elle constitue l’exquis parfum de la reine des fleurs. Le chimiste, imitant ce travail, peut aussi en utilisant le géranium et la citronnelle, fabriquer une essence de rose qui, à la finesse près, ressemble à celle que produisent les roses mêmes que l’on récolte en Bulgarie, et en Perse, et, en France, dans les environs de Grasse et de Cannes. Ce n’est pas un mince sujet d’étonnement pour le touriste que de rencontrer aux environs d’Alger ou de Bône des champs immenses de géraniums destinés à la production de l’essence de rose.

Les fabricans d’essences destinées à la consommation agissent de même. Ils ne se proposent pas, sans doute, d’imiter quelque breuvage aromatique dont la nature offrirait le modèle, puisqu’il n’en existe point de ce genre. Mais, en variant les proportions des plantes ou des essences, ils cherchent à réaliser des préparations toujours plus moelleuses et plus fines. Lorsqu’ils sont parvenus à un résultat satisfaisant, ils s’y tiennent et, ainsi,