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elle prend le ton du ciel. Ces deux sujets seraient sans accent et ces deux toiles sans objet si l’artiste n’avait reproduit, comme en un portrait, la physionomie de l’eau. Plus on la regarde, plus on constate que les trois aspects qui la composent : l’aspect de surface avec les rides, les tourbillons et les remous, l’aspect vertical avec les reflets de la barque, des arbres, de la voile et du ciel et enfin l’aspect de fond avec la matière même de l’eau, sont admirablement rendus. On sent la masse, la fluidité et la profondeur, là où les meilleures œuvres des écoles impressionnistes ne nous procuraient qu’une sensation : celle de papillotement. Il est difficile, d’ailleurs, aux écoles qui proscrivent l’empâtement et préconisent la peinture sans préparation et sans dessous, d’aborder ces effets de masse fluide, et il semble qu’une préparation et des dessous très solides soient quasi indispensables pour les obtenir.

Moins heureuse, mais infiniment méritoire aussi est la tentative de M. Aston Knight de reproduire les remous de l’eau d’une rivière après le ? barrages, autour d’un Moulin abandonné, avenue Nicolas II (n° 1010). C’est, avec les toiles de M. Thaulow, la contribution la plus sérieuse à l’étude et à l’histoire de l’eau en mouvement. Les mille aspects de la surface révélés par la photographie y sont visibles, avec ce courant central apparu comme une rivière plus rapide, dans la rivière même et que la présence d’un obstacle produit avant et après lui, dans le cours naturel d’une masse d’eau.

L’aspect familier des vagues étales de la mer quoique plus facile à reproduire parce qu’il se ressemble toujours, ne tente pas très souvent les peintres. Ces lames apaisées qui viennent mourir sur les plages en y promenant circulairement leurs langues humides comme pour y effacer une tache sans cesse renaissante, avec leur léger bourrelet d’écume, prennent trop aisément l’aspect de glaces rondes posées les unes sur les autres. La difficulté croît encore s’il faut qu’elles reflètent un ciel mi-partie orageux et mi-ensoleillé, — et enfin s’arrondissant, sur le tout, un arc-en-ciel, — comme dans le tableau de M. Harrison au Salon de l’avenue d’Antin. C’est là, pourtant, ce qui rend saisissante et précieuse sa recherche. L’arc-en-ciel est presque la seule figure de formes absolument géométriques et de couleurs absolument pures qu’on puisse observer dans la Nature. Il en est d’autres, sans doute, comme les cristallisations, mais moins visibles et