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canaux ou sur la mer, ce n’est point qu’un engouement subit ait poussé la foule à le leur demander. C’est qu’ils ont cru découvrir dans les figures de l’eau courante quelques beautés nouvelles, ce que nous croyons, les soirs d’hiver, voir monter dans les flammes de notre foyer : des figures mystérieuses et fugitives, sans cesse renouvelées. Mieux que les choses mêmes, ils ont aimé à étudier le reflet des choses dans le miroir des eaux immobiles, comme leur confrère M. Lobre les étudie dans les glaces du Palais de Versailles. Leurs découvertes incessantes et leur joie de les montrer sont parmi les plus douces des chimères humaines. C’est donc à elles que nous allons nous attacher, après avoir observé dans leur ensemble et rapidement décrit les tendances générales de la Peinture actuelle dans les deux Salons.


I

Elles sont les mêmes que les caractéristiques des précédens Salons, seulement soulignées par la répétition des mêmes traits, leur multiplication, leur persistance. Ce qui s’esquissait se dessine, ce qui s’élaborait se résout. Des évolutions que la critique moderniste se refusa longtemps à reconnaître, par exemple l’abandon de l’impressionnisme et le retour aux effets de clair-obscur, sont devenues aujourd’hui si visibles qu’il faut bien se résoudre à les enregistrer. Des tentatives bruyantes qu’on avait signalées, il y a quelque dix ans, comme le prologue d’un nouvel art ou d’un sentiment nouveau de la vie, telles que la modernité des scènes de l’Evangile transportées chez nos contemporains et nos compatriotes, ont tout à fait avorté, et sauf Notre-Dame de l’École, de M. Maurice Denis, on n’en trouve plus, dans les deux Salons, le moindre souvenir. Le Symbolisme, lui aussi, qui sembla, un instant, assez puissant pour chasser de l’art les réalités de la vie, n’a plus que de rares fidèles. A part le tableau anglais Balcony at Siena de M. Shaekleton surmontant la saisissante figure froide comme une formule d’algèbre, que M. Agache a nommée la Justice, voici que les essais de synthèse philosophique ont tout à fait disparu. L’Art chrétien n’a pas longtemps subi le patronage équivoque du symbolisme et rien n’est plus simple, plus sobre, plus naturel à la fois et plus religieux que le Repos à Béthanie de M. Burnand, au fond de la salle VIII, avenue d’Antin. Néo-christianisme, symbolisme,