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Le premier, c’est que, dans la métallurgie, les ouvriers pour qui la peine est la plus lourde sont ceux qui doivent fournir l’action la plus rapide, à la température la plus forte. Le second fait, c’est que, dans la métallurgie, une assez petite partie des ouvriers (pas tout à fait le dixième, d’après le tableau de l’usine B) gagne et touche de hauts salaires : un peu moins de moitié touche un salaire dont nous ne voulons ni devons avancer qu’il est insuffisant, puisque, pour l’affirmer avec quelque certitude, il en faudrait rapprocher le prix des objets les plus nécessaires, mais que nous pouvons dès maintenant et à coup sûr qualifier de salaire bas et faible (au-dessous de 4 francs par jour et quelquefois bien au-dessous) ; l’autre moitié, ou un peu plus, touche un salaire, moyen en ce sens qu’il tient le milieu entre le plus haut et le plus bas, normal par comparaison avec les salaires payés dans les autres branches de la grande industrie.

Les ouvriers qui touchent le haut salaire, fondeurs, couleurs, puddleurs, etc., sont, de nuit et de jour, en perpétuelle et continuelle collaboration avec le feu, et, comme ils sont à la pire peine, il est juste qu’en récompense ils soient au meilleur profit. Mais sont-ils les seuls ? Et, cette élite ôtée, parmi la foule des ouvriers à bas ou moyen salaire, n’y en a-t-il point, et de plus nombreux, qui soient eux aussi à une très grande peine, qui aient eux aussi à donner un effort prompt ou violent dans une chaleur épuisante ?

Sans doute je connais la formule, et comme le barème qui sert au calcul des salaires. « La majeure partie des ouvriers et des aides sont payés suivant leur production ; » et je ne prétends pas qu’on la puisse changer, et je n’en nie pas la justesse ; mais toute sa justesse fait-elle une justice ?

Après six mois bientôt, quand je me retrouve par le souvenir en ces immenses ateliers emplis de souffles et de lueurs, quand revit devant moi la vision flamboyante, par quel miracle d’endurcissement ne me dirais-je pas ce que je me disais en les voyant : « Qu’est-ce que ceux-là produisent, ceux-là, par exemple, qui, cachés derrière les montans du laminoir, jettent sur la plaque rouge, au fur et à mesure que les cylindres la ramènent, des fagots de bruyère mouillée dont les étincelles leur sautent au visage en une pluie brûlante ? Rien évidemment, ou bien peu de chose. Si donc on ne leur doit que ce qu’ils produisent, on leur doit bien peu, presque rien. Mais compter ce qu’ils produisent