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les cas, et dans celui-là comme dans les autres, l’ouvrier, en s’en allant, touche les salaires qui lui sont dus.

L’usine A et l’usine C en usent pareillement. « L’ouvrier renvoyé doit être prévenu huit jours d’avance, à moins qu’il n’ait commis une faute grave. Alors il quitte l’atelier tout de suite. » Il le sait, et il y est fait : c’est la coutume, il ne proteste pas : « Nous avons très peu de réclamations (usine C). » À l’usine A, on n’est pas éloigné de penser que, du moment que l’on veut se séparer, le plus tôt est le mieux pour les deux parties : Nous n’avons aucun contrat de travail, et, là comme ailleurs, nous cherchons la plus grande liberté pour tous. L’ouvrier embauché peut sortir quand il veut, en général sans huitaine, à moins qu’il ne demande lui-même à la faire : le travail, pendant la huitaine, est toujours mauvais. L’ouvrier sort donc librement, mais nous évitons ensuite de reprendre ceux qui sont sortis. »

La rupture du contrat de travail n’étant pas ce qu’il y a de moins important pour l’ouvrier ou même de moins grave dans le contrat de travail, il valait la peine d’y insister un peu plus qu’on n’insistera sur les clauses de l’embauchage, qui sont les clauses habituelles d’âge, d’aptitude et de santé. Mais ce n’est ni l’instant ni le lieu de décider si cette liberté à laquelle il paraît que l’on tienne souverainement et que l’on se flatte de vouloir « la plus grande pour tous » est une liberté égale pour les deux parties contractantes : on discute depuis longtemps là-dessus, on discutera pendant longtemps encore, à perte de vue, et bien en vain ; car, alors même que la liberté ne serait pas égale, tant que les circonstances de l’industrie sont ce qu’elles sont, qu’y peut-on ?

Et ce n’est pas non plus le lieu ni l’instant d’exposer par quels moyens, avec une sollicitude dont il le faut louer, le patronat métallurgique, individuel ou collectif, personnel ou anonyme s’efforce d’adoucir la rigueur des choses et de remédier aux misères qui sont, comme on l’a dit, « la forme de l’humaine » et surtout, si j’ose le dire, de « l’ouvrière » condition. Je le sais, je l’ai vu, je ne l’oublie pas, et je me ferai un devoir d’en rendre témoignage. Mais, à la fin de ce chapitre où nous avons passé successivement en revue la répartition des ouvriers par âge, la durée, la peine, le prix et la police ou la discipline du travail, il semble que, de la masse des faits observés, deux faits surtout se dégagent et dominent.