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sortans, et nous permettraient sans doute de constater (ce que nous croyons) que notre façon d’opérer, lorsque le travail manque ou se relâche, nous prive des meilleurs ouvriers, de ceux qui, dans la force de l’âge, vont où le travail est plus abondant. »

Cet exode, ce départ à la poursuite du travail plus abondant et par conséquent mieux rétribué, il semble que les chiffres eux-mêmes le dénoncent, en s’abaissant, pour l’usine A, vers trente ans, de 295 ouvriers à 241 et, vers quarante-cinq ans, de 225 à 136. Les manquans sont ceux qui se piquent ou sont obligés de penser que le pays est où l’on travaille, ceux qui s’en vont à la conquête d’un plus fort salaire ; et ce sont ceux qui sentent en eux le désir et la force de gagner par un plus grand travail un plus fort salaire : plus jeunes, ils n’ont pas ce souci ; plus vieux, ils n’en prennent plus la peine. Ils s’en vont donc au premier ralentissement, d’autres viennent à la première reprise, on embauche de nouveau, le vide se comble, et l’égalité se refait par équivalence. Il se retrouve autant ou à peu près autant d’ouvriers du même âge, l’âge mûr, où la population ouvrière se nivelle, entre trente et quarante-cinq ans, mais ce ne sont pas tous ni toujours les mêmes.

Le mot du vieux Guillaume Paradin ne s’est point vidé de toute vérité, et, « au voisinage de Saint-Etienne-de-Furens en Forez, » sur cette terre du Noir et du Rouge, qui est proprement le royaume de la houille et du fer, d’un bout à l’autre couvert d’usines, on peut voir encore, sinon « certaines races de pauvres étrangers forgerons, » ce qui serait trop dire, du moins certains ouvriers forgerons, aller et venir « ainsi qu’oiseaux passagers » après être demeurés plus ou moins longtemps en un lieu.


II

La deuxième question, à laquelle il faut maintenant répondre est celle-ci. Quelle est, dans la métallurgie, la durée de la journée de travail ? Et elle comporte ou emporte quelques questions subsidiaires : le travail est-il continu ; à combien d’équipes se fait-il ? De combien de repos est-il coupé chaque jour et chaque semaine ?

En termes généraux, la réponse sera que, dans la métallurgie, la durée de présence à l’usine est de douze heures, — de six heures du matin à six heures du soir ou de six heures du