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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : Les affaires sont les affaires, comédie en trois actes, par M. Octave Mirbeau. — RENAISSANCE : Crainquebille, pièce en trois tableaux, par M. Anatole France. — ODEON : la Rabouilleuse, comédie en quatre actes, par M. Emile Fabre.


Après Balzac et après plusieurs autres, l’étude de l’homme d’affaires et du manieur d’argent est à recommencer sur nouveaux frais. Cela, pour une raison toute simple. C’est que dans notre société moderne beaucoup de choses ont en peu de temps changé complètement. L’importance, déjà énorme et démesurée, de la question d’argent, s’y est accrue en ces dernières années avec une vitesse et dans des proportions effrayantes. Ce qu’on appelle le monde moderne est le monde où l’on fait des affaires ; cela crève les yeux, et ceux mêmes qui sont le moins mêlés à la vie réelle sont bien obligés de s’en apercevoir. De soudaines transformations économiques ont tout bouleversé : la société, les mœurs et jusqu’aux âmes même. Un immense désir de bien-être et de jouissances matérielles a envahi toutes les classes et refoulé les autres sentimens. D’ailleurs, les anciennes barrières sont tombées ; il n’y a plus de castes fermées et c’est à peine s’il reste des corps constitués ; les façons traditionnelles de penser et de sentir disparaissent. Nous habitons une société instable, mouvante, née d’hier et vivant au jour le jour. L’homme qui a le génie des affaires est donc tout désigné pour devenir le maître de cette société : il tiendra la place que tenait jadis l’homme d’État, manieur d’hommes, ou le grand seigneur, représentant d’une aristocratie héréditaire dans une société organisée en vue de la durée. Il y disposera de la force qui dispose de toutes les autres. Qu’est-ce donc que représente dans ce monde nouveau la passion des affaires ? Dans quelle mesure peut-on