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l’amitié de l’Angleterre, sincère malgré ses ombrages, et, si cette amitié nous manquait, un rapprochement étroit avec la Russie, dont l’espérance nous était toujours ouverte, contre-balançaient largement l’accroissement de la Prusse, qui, d’ailleurs, pouvait aboutir à une alliance, non à une hostilité. La dernière garantie énumérée dans la circulaire, la division en trois tronçons de l’ancienne Confédération, n’existait déjà plus, du moins militairement ; on ne mentait cependant pas en insistant sur son importance, car on ignorait encore à Paris les traités d’alliance militaire. Il était courageux de répudier la politique démodée, aussi contraire à la noblesse des sentimens qu’à la possibilité des faits, qui subordonne la grandeur d’un peuple à la petitesse des autres Il était clairvoyant de s’être bien rendu compte que les plus ardens ennemis de la France, toujours prêts à exciter les passions contre elle, étaient les États du Sud, de la sauvegarde desquels on aurait voulu faire notre intérêt principal.

La circulaire ne reste pas jusqu’au bout dans cette correction élevée et loyale. La politique des compensations la fait dévier et y montre son vilain visage. Le gouvernement impérial comprend, y est-il dit, les annexions commandées par une nécessité absolue. Cette justification des conquêtes prussiennes était glissée comme exposé des motifs anticipé de la conquête que nous projetions en Belgique. Le public non initié à ces négociations secrètes ne comprit pas, mais il fut vivement ému de l’annonce que le perfectionnement de notre organisation militaire devenait une nécessité pour la défense de notre territoire. — 0ue signifie, dit-on alors, l’assurance qu’une Europe, plus fortement constituée, rendue homogène par des divisions territoriales plus précises, est une garantie de la paix du monde ? Quelle raison, s’il en est ainsi, de nous armer jusqu’aux dents ? Il est donc vrai que nous avons été vaincus à Sadowa ?

Indépendamment de tout péril imminent, il était naturel qu’au lendemain d’une expérience militaire aussi instructive, on perfectionnât notre organisation militaire ; mais ce n’était pas dans une circulaire de paix qu’il était opportun de le proclamer, d’autant plus que les réformes les plus urgentes : la fabrication des chassepots, un meilleur système de mobilisation, de nouveaux règlemens tactiques de l’artillerie et de la cavalerie, se seraient beaucoup mieux réalisées sans que le public y fût initié.

Bien que cette circulaire ne lui eût pas été communiquée,