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principe monarchique, car ces dynasties reposaient sur le même droit divin que la maison royale prussienne. L’institution d’un parlement allemand lui déplaisait aussi, et il se préoccupait des menaces d’absorption des États du Sud.

Le récit que fit Manteuffel de la négociation Benedetti produisit un revirement soudain dans l’esprit du Tsar et de Gortchacof. Ils s’expliquèrent alors pourquoi la France n’avait pas voulu d’un congrès ; leurs défiances se tournèrent contre elle. L’énergie avec laquelle Bismarck avait repoussé les propositions de Drouyn de Lhuys leur fit attacher plus de prix à l’amitié prussienne. Les remontrances cessèrent ; Gortchakof redevint empressé, et le Tsar écrivit au Roi que, même si ses paroles n’étaient pas écoutées, la Russie ne s’allierait jamais aux adversaires de la Prusse. En retour, il ne demandait que la promesse d’une aide dans l’avenir, quand il y aurait lieu de penser à la révision du traité de Paris. Ainsi le resserrement de l’alliance prusso-russe à notre détriment fut un autre effet de la politique des compensations.

Toutefois, il peggio non è ancor morto, comme disent les Italiens. Il y aura pis.


X

La situation de Drouyn de Lhuys avait été fort difficile pendant toute la durée de son ministère, à cause de l’opposition fondamentale de sa politique personnelle avec celle de son maître. L’Empereur l’avait conservé auprès de lui néanmoins, par l’effet d’une ancienne affection doublée d’une entière confiance en sa capacité professionnelle. Le dualisme, que des actes et des paroles contradictoires manifestaient en toute occasion, jetait notre diplomatie dans un véritable désarroi. Les ambassadeurs les plus fins, les plus aux aguets, les mieux informés, ne savaient comment manœuvrer entre ces courans et ces contre-courans. Ils n’avaient pas le loisir d’accomplir simplement un devoir tout tracé, leur intelligence était surtout tournée à deviner laquelle de ces deux politiques parallèles l’emporterait. Cette dualité ne diminuait pas le chef moins que ses agens, car il était obligé de faire officiellement la courbette à la politique à laquelle il préparait des contre-mines, de ne pas y opposer ouvertement la sienne, de l’y glisser par des circonlocutions adroites ou des