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l’armée française est une chose sérieuse, surtout si nous avons aussi l’Autriche contre nous. Je suis inquiet. » Il manda Moltke et lui dit : « Nous venons de battre l’Autriche, il faut nous préparer maintenant à la guerre contre la France. Elle va nous attaquer. » Et Moltke aussitôt prépara un plan défensif.

Le Prince royal, qui depuis Nikolsburg était complètement réconcilié avec Bismarck, lui écrivait : « Vous m’avez fait parvenir de remarquables informations au sujet de la faim napoléonienne. Le mieux que l’on en puisse penser est, je l’avoue, que, dans les circonstances actuelles, je n’aurais pas considéré comme possibles des prétentions aussi inouïes. Ou bien Napoléon ne pense pas sérieusement à la réalisation de ses désirs, ou bien il n’a pas dit, en son temps, à Goltz, ce qu’il voulait réellement faire ou éviter. Si Napoléon persistait dans son désir d’obtenir la rive gauche du Rhin, nous aurions tout lieu de lui être reconnaissans de ce qu’il nous a si promptement aidés à réaliser l’union de l’Allemagne. »

Une ordonnance royale (8 août) enjoignit à la commission du recrutement des dépôts de reprendre immédiatement ses travaux ; des régimens furent envoyés en toute hâte vers le Rhin ; la légion hongroise de Klapka fut augmentée ; Bismarck enjoignit à ses plénipotentiaires de Prague de hâter la paix avec l’Autriche, afin de s’assurer si elle était d’accord avec la France et, si elle ne l’était pas, d’avoir les mains libres vers le Rhin.

L’Italie avait ralenti les négociations de la paix en prétendant que le traité avec elle fût négocié en même temps que celui avec la Prusse. — « Pas du tout, pas du tout, lui répondit Bismarck, cela me ferait perdre du temps, et je suis pressé. » — Govone lui rappelait qu’avant la guerre on s’était engagé à ce qu’aucune des deux parties ne contracterait une paix séparée. « Pas du tout, dit Bismarck ; le traité ne dit rien de pareil : vous avez déclaré la guerre isolément, vous avez négocié un armistice isolément, traitez de même ; je ne puis pas perdre quinze jours, menacé comme je le suis par la France, à faire admettre vos plénipotentiaires à Prague. Ma seule obligation est de faire insérer dans mon traité que la Vénétie vous sera acquise sans conditions onéreuses ; je n’y manquerai pas Moyennant quoi, je suis quitte envers vous. »