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fausse démarche est dangereuse même quand on n’y persiste pas. S’arrêter ne fait pas oublier que l’on s’est avancé et qu’on pourrait s’avancer encore, et il est des effets irrévocablement produits qu’on ne réussit pas à reprendre.


VI

Benedetti, cependant (peut-être pour dire ce qu’il n’avait pas osé écrire), aurait désiré venir à Paris s’entretenir avec Drouyn de Lhuys sur les divers incidens auxquels notre ouverture pouvait donner lieu. On lui enjoignit de communiquer tout d’abord nos demandes ; il viendrait ensuite rendre compte. Il avait si peu d’espérance dans le succès de sa tentative que, craignant une première explosion de colère, il s’était fait précéder auprès de Bismarck par une lettre : « Mon cher président, en réponse aux communications que j’ai transmises de Nikolsburg à Paris, à la suite de notre entretien du 26 du mois dernier, je reçois de Vichy le projet de convention secrète que vous trouverez ci-joint en copie. Je m’empresse de vous en donner connaissance afin que vous puissiez l’examiner à votre loisir. Je suis du reste à votre disposition pour en conférer avec vous quand vous en jugerez le moment venu (5 août). » À cette lettre était joint le projet suivant, écrit également de l’écriture de Benedetti :

« ARTICLE PREMIER. — L’Empire français rentre en possession des portions de territoire qui, appartenant aujourd’hui à la Prusse, avaient été comprises dans la délimitation de la France en 1815.

ART. 2. — La Prusse s’engage à obtenir du Roi de Bavière et du Grand-Duc de Hesse, sauf à fournir à ces princes des dédommagemens, la cession des portions de territoire qu’ils possèdent sur la rive gauche du Rhin et à en transférer la possession à la France.

ART. 3. — Sont annulées toutes les dispositions rattachant à la Confédération germanique les territoires placés sous la souveraineté du Roi des Pays-Bas, ainsi que celles relatives au droit de garnison dans la forteresse de Luxembourg. »

Quoiqu’il ait lui-même divulgué, après 1870, cette lettre de Benedetti, Bismarck, donnant une preuve de plus de la suspicion en laquelle il convient de tenir un grand nombre de ses récits, a dit dans un discours : « Après le 6 août 1866, je vis