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et qu’ils pouvaient à bon escient parer à l’imprévu. Benedek, au contraire, entrait dans les détails minutieux, sans laisser entrevoir son but, de telle sorte que si l’événement ne permettait pas d’exécuter ponctuellement les directions données, les chefs de corps ne savaient plus quel parti prendre. Leur initiative ainsi paralysée, ils ne pouvaient susciter celle de leurs inférieurs. Le prince Frédéric-Charles donnait à ses officiers la raison de ses opérations ; aucun chef autrichien n’eût été en état d’expliquer aux siens ce qu’il ignorait lui-même.

Au quartier général prussien, on continuait à ne pas savoir ce qu’était devenu Benedek ; Moltke conjecturait qu’il s’était établi derrière l’Elbe, son front couvert par le fleuve, en appuyant ses ailes sur Josefstadt, Königgrätz, la Methuen et l’Aupa. Jugeant cette position très forte à cause de la largeur de l’Elbe impossible à franchir sous les batteries des hauteurs, trouvant aussi quelques difficultés à traverser l’Aupa et la Methuen, il proposait d’adopter le parti dangereux de gagner, par une marche de flanc, Pardubitz, et de couper par-là les communications avec Vienne. Il ordonna donc une série de mouvemens dans ce sens à exécuter le lendemain, 3. Dans les instructions au prince Frédéric-Charles, il mit cette phrase : « Si l’on rencontre, en avant de cette ligne de l’Elbe (entre Königgrätz et Josefstadt), des forces ennemies et si elles ne sont pas trop considérables, on devra les attaquer immédiatement, en s’assurant autant que possible la supériorité sur elles. »

Le prince venait de recevoir cette instruction, lorsque, vers sept heures du soir, un courageux officier, Unger, revenu d’une exploration à travers les lignes autrichiennes, assura qu’entre la Bistritz et les hauteurs se trouvaient trois ou quatre corps autrichiens. Frédéric-Charles, usant de l’initiative que lui avaient réservée ses instructions, se résout immédiatement à les attaquer. A 9 heures, il expédie l’instruction générale à ses corps et divisions de se former en bataille le 3, au point du jour, sur la Bistritz et d’y arrêter l’ennemi, qu’il suppose prêt à prendre l’offensive. Il prescrit à l’armée de l’Elbe de se rapprocher de Nechanitz ; il expédie un officier au Prince royal pour le prier de protéger son flanc gaucho en lui envoyant la Garde ; il mande ensuite Voigts-Rhetz, son chef d’état-major, au quartier général communiquer et expliquer ses dispositions. Voigts-Rhetz arrive à 11 heures, et est introduit auprès de Moltke, déjà au lit.