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vous procure, pendant les vacances, tous les plaisirs qui pourront vous être agréables ; j’aurais aimé à y présider, comme les années précédentes ; mais, du moins, suis-je bien tranquille sur l’excellente direction qui leur sera donnée et sur le profit que vous retirerez pour votre chère santé, et même pour votre instruction, des petites expéditions projetées. J’espère que les camarades recevront de vous de bons exemples. Vous êtes leur chef, mon cher Prince, par vos études et vos succès, plus encore que par votre taille et la vigueur de votre poing. N’oubliez jamais que vous leur devez, comme vous le devrez un jour à toute la société, de les précéder franchement et résolument dans la bonne route.

Continuez, je vous en prie, à me tenir au courant de vos travaux et de vos plaisirs, soit par vous, soit par vos amis. Je vous répète qu’au milieu des distractions que ma santé m’a fait une loi d’aller chercher au loin, la plus réelle pour moi, et la plus douce, ce sera de recevoir de vos nouvelles, et surtout, d’apprendre que vous vous conduisez bien. Je puis encore recevoir de vos lettres ici jusqu’à mercredi, car j’y reste deux jours de plus que je ne l’avais résolu. Une course que j’ai faite à Chambord, et une autre que je dois faire demain à Valençay, chez le prince de Talleyrand, ont rendu nécessaire cette prolongation de mon séjour dans le Blaisois. Je suis pourtant bien impatient de gagner les Pyrénées, où ma sœur m’attend. Mais puis-je donc voyager comme un portemanteau et quitter ce beau pays avant d’avoir interrogé quelques-uns des souvenirs qu’il renferme ? Chambord est magnifique ! C’est incomparablement la plus belle ruine de la Renaissance qui existe sur le sol français, si j’en crois les récits des voyageurs. Mais, en même temps, c’est d’une tristesse à sécher l’âme. Tous les habitans ont la fièvre ; la forêt est monotone ; les chemins sont dévastés ; il y a des pommes de terre dans les fossés, des nids d’oiseaux dans la chapelle et dans les galeries du château. Barbier[1] a pris

  1. M. Barbier, le père de Jules Barbier et l’auteur dramatique, l’un des condisciples du Prince.